« Blodwyn V. Graham, disappointment »

(c) Misery Angel

« Trois mots suffiraient à décrire Blodwyn Graham. Petite, brune et sexy. Bien sur, je parle en tant que garçon. Vraiment mignonne cette fille. Ses longs cheveux, que je suppose rarement coupés lui vont à la perfection. Je ne m'attarderais pas sur son visage étant donné que Bloody a de très belles formes, si je puis dire. Puis, aussi, une chose incroyable chez elle, c'est qu'elle ne se plaint jamais de son poids. La plupart des filles, ou du moins celles que je connais, disaient sans arrêt qu'il fallait qu'elles fassent attention à leur ligne ou je ne sais quoi. Pas Bloody. J'aurais juré qu'elle ne prenait jamais un gramme, comme si sa morphologie ne changeait jamais. Pour moi, elle était tout simplement la fille parfaite. » Mike ?, copain de vacances amoureux.

« J'ai toujours trouvé ma fille jolie. Bien sur, en tant que mère, je ne peux pas trouver mon enfant laid, mais en essayant d'avoir un point de vue externe, je trouvais Blodwyn très belle. Avec un grand potentiel. Ce que je préfère chez mon bébé reste son visage. Même si son corps est parfait, je trouve son visage beaucoup plus parfait. Son front légèrement blanc, son nez retroussé à droite duquel un grain de beauté à parfaitement sa place, ses yeux marrons tirant vers le vert, ses pommettes saillantes, ses fines lèvres roses qui font apparaitre d'adorables fossettes au moindre sourire. Ses traits dégagent quelque chose. Je ne saurais dire quoi, mais j'en ai toujours eu l'impression. J'arrivais à savoir n'importe quoi avec ses yeux, qui révélaient n'importe quelle vérité que Bloody essayait de cacher. Je sais qu'elle n'adorait pas vraiment son nez, alors je lui disais qu'elle avait une tache magique à côté, pour lui porter bonheur. Je lui racontais que ses fossettes étaient une marque incroyable, et que beaucoup de petites filles auraient aimé en avoir. Je trouvais tout simplement son visage magique. » Mrs Graham, mère de Blodwyn.

« S'il y a bien quelqu'un qui s'habille mal, c'est Blodwyn ! J'ai toujours détesté son style, dans tous les domaines d'ailleurs. Je ne comprends pas comment les garçons la trouvaient attirante. Je ne lui trouvais absolument rien. En voyant ses vêtements, j'adorais être moi. Pas de beaux tee-shirts, de belles jupes ou de beaux pantalons, pas de belles chaussures. Alors que je m'embêtais à mettre des supers habits neufs, elle ne se contentait que d'un haut normal, d'un jean normal et d'une paire de chaussures normales. Et puis, elle ne prenait pas soin d'elle comme une vraie fille. Plusieurs rumeurs, lancées par moi-même, disaient que Blodwyn aimait les filles. Jamais de maquillage dépassant le mascara ou le crayon. Pas de passage aux toilettes pour une beauté, même après un cours de sport. Pas de coiffures spéciales, mises à part les cheveux sur le dos. Je me rappelle du bal de promo, elle était arrivée, dans une sublime robe et superbement coiffée et maquillée. Bien sur que sa robe et sa coiffure étaient jolies, elle, elle ne l'était pas. Elle n'avait pas de style. » Karen ?, ennemie du lycée.

« D'accord, ma petite Bloody n'était pas un top modèle, avec de beaux vêtements supers chers. N'étant moi-même pas un adepte de la mode, je trouvais qu'elle s'habillait parfaitement bien. Je crois surtout que l'essentiel est que son style lui plaise à elle, et pas aux autres. Cela n'est qu'un plus. En semaine, la petite mettait des tee-shirts simples que je trouvais parfois provoquant avec des franges aux hanches, avec un jean qui lui allait parfaitement mais que je trouvais encore trop provoquant avec la ceinture. Question maison, Bloody se contentait d'un vieux tee-shirt, souvent m'appartenant. Ainsi que son jean porte-bonheur. Boh, un vieux bout de tissu tout délavé par le temps, qui lui allait encore à merveille et dont elle refusait de se séparer. Ce que je ne comprenais pas, c'était pourquoi elle portait toujours sa vieille écharpe. Un long morceau de laine violet qui la couvrait jusqu'aux yeux. J'aimais particulièrement la manière dont ma petite fille mettait ses chaussures. Là encore, de vieilles converses usées avec le temps, qu'il était hors de question de jeter. Violettes, aussi les all star. Je crois qu'elle aimait le violet. »

« Blodwyn Graham ? Bizarre. Oui, elle était jolie, intelligente et gentille. Ou du moins avec les gens qu'elle aimait bien. Nous avons passé toutes nos classes ensemble, du jardin d'enfants à notre diplôme. Jamais, elle ne m'a sourit, ni même parler comme à une amie. Je me suis toujours demandé ce que je lui avais fait, mais je n'ai plus d'idées, maintenant. Elle avait l'air si lunatique, qu'arrivée au collège, je ne tentais plus de l'approcher. Elle avait les pieds sur terre, c'était sur, mais en même temps, elle restait la fille que j'enviais le plus. Pas par jalousie, juste parce que je l'a trouvais réellement cool. Elle ne se laissait pas marcher dessus, elle envoyait n'importe qui et n'importe quand se faire voir. Je ne la qualifierais pas de rebelle pour autant, non, elle ne l'était pas, rebelle. Elle était sans arrêt sur la défensive. Comme si elle avait peur qu'on ne découvre quelque chose, un secret. En tous cas, elle a réussit à rester authentique, je vous l'assure. » April ?, connaissance d'enfance.

« Bloody était ma meilleure amie, au collège et au lycée. Je la connaissais parfaitement, avec le temps, même si elle s'efforçait de cacher sa véritable nature. Loyale, douce, gentille. Pas très bavarde avec les autres, elle déblatait tout avec ceux qui avaient sa confiance. Je l'a trouvais originale à un tel point que je trouvais cela ridicule. La qualité que je préférais chez Bloody, c'était sa haine envers l'injustice. N'importe qui en "détresse" et Blodwyn le défendait, l'aidait. D'un autre côté, elle cachait trop ses sentiments, son caractère propre. Associable sur les bords, curieuse et quelque peu feignante. Pas assez sure d'elle aussi. Je crois que c'est pour ça que j'étais sa seule amie. Mentir, Blodwyn ne savait très bien le faire. Ses yeux étaient des détecteurs de mensonge et elle se faisait toujours prendre. Et puis, pas vantarde, du tout. Son côté "je me laisse pas faire" devait être perçut et comme un avantage, et comme un inconvénient. Certains cherchaient les problèmes à Blodwyn, d'autres étaient défendus comme des agneaux par cette dernière. Ses humeurs étaient tellement changeantes, aussi. J'en avais parfois le mal de mer. Lunatique et pessimiste, feignante et timide ou inconfiante. Je trouvais son caractère des plus variés mais Bloody était une amie parfaite. » Jordan ?, bonne amie.

« Compliqués. Un peu comme moi, aurais-je envie d'ajouter. Passons. J'aime courir. Depuis ma transformation, ce besoin de gambader est plus important, même si je peux dire que je l'assouvis plus rapidement. Dès le collège, avec le sport, j'adorais me dépenser en section athlétisme. Je n'ai jamais osé participer à une compétition, mais j'en ai vu des tas. Dans ces moments là, j'aurais souhaité être à la place des concurrentes, mais je ne m'en sentais pas capable. Et pourtant, aussi stupide que cela puisse paraître, j'en avais envie, vraiment. Autre passe-temps, la photographie. Je ne suis pas une star de l'appareil photo, mais j'aime assez ce que je fais avec une pellicule et un appareil. Se vider fait du bien, chacun sa méthode. Pour certains, c'est le foot, d'autres l'alcool ou leur femme, moi c'est la photo. Je photographie beaucoup à l'improviste, irrémédiablement mes prises favorites. J'aime immortaliser ce que je vois. Le ciel, un oiseau, une forêt, une coccinelle. Le plus drôle reste les clichés de mon entourage pris à l'improviste. Tout simplement comique. Les sourires figés sur des clichés me répugnent. Ce n'est que du faux-semblant. Je n'aime pas les carottes, le poisson et les lentilles. Je n'aime pas non plus la superficialité. Non, les artifices et tout ça, je n'apprécie guère. La simplicité et moi formons un. Les machos sont mes pires ennemis, ainsi que les Barbie et leur Ken. Je trouve les matchs de foot super ennuyants, et barbants. J'adore les enfants ! Oh oui, les petits moutards rigolos et casse-cou, je les bénis, j'en voudrais des tas et des tas. J'aime lire. Livres, magasines, romans, nouvelles. J'adore lire, car j'ai l'impression d'être seule au monde, et pas dans n'importe quel monde : dans le mien. J'adore rêver. Bien sur, la lecture et les rêves vont ensemble, mais disons que c'est un besoin constant, de l'illusion. Parce qu'au fil des années à rêver, j'en ai pris l'habitude, et je n'arrive plus à vivre sans illusion quelconque. Au point d'avoir l'impression que mon existence entière en est une. »

« La première grande phobie que j'ai eue, date de ma petite enfance. Les poupées me fichent une peur bleue. Je ne pourrais l'expliquer mieux que ça. Je n'ai jamais compris pourquoi de simples visages en plastique m'effrayaient autant. Je n'étais pas très fille étant petite, et je me demande souvent si c'est à cause de ces fichues poupées. J'ai aussi la peur que tout le monde a : perdre toutes les personnes que j'aime. Bien sur, cette peur est partagée par tous les êtres sensés de la terre, et même si elle paraît idiote, elle est bien réelle. Le fait d'avoir dû quitter ma famille m'a bel et bien refroidit sur ce point. Autre peur qui me hante parfois : me perdre en chemin. Cette phobie est un peu plus compliquée que les précédentes, dans la mesure où il ne s'agit entièrement que de moi. J'apprécie quelque peu mon caractère et mes ambitions. Et je ne veux surtout pas perdre tout ça. Je voudrais rester authentique, ne pas changer. J'ai déjà perdu beaucoup trop selon moi, et je ne voudrais pas me perdre moi-même, ne pas m'égarer. Question manies, je mange souvent mes ongles. Sans être forcément stressée, je me mordille l'extrémité des doigts, puis les enlève. N'allez pas croire que j'ai l'estomac rempli d'ongles, ce n'est pas le cas. J'essaie pourtant bien essayé d'arrêter, mais toutes mes tentatives ont été vaines. Le vernis, les gants, rien n'y a fait. Passons. Autre tic assez étrange, je vous l'accorde, je relève sans arrêt l'un de mes sourcils. Pour montrer mon indignation, mon étonnement, mon mécontentement ou bien ma satisfaction. Maintenant, cela ce fait naturellement, sans même que je m'en aperçoive, mes sourcils se froncent. La plupart du temps, je fronce les deux, mais il arrive qu'un seul le fasse, tandis que l'autre se hausse. Habitude, elle des plus embêtantes, je craque tout le temps mes phalanges. Beaucoup n'aiment pas cela, mais tout comme mes sourcils, c'est devenu automatique avec le temps. Mon père ne supportait pas ça, tandis que ma mère avait la même manie. Aussi, il m'arrive souvent de tirer la langue, signe de mon enfance intérieure. Cependant, cette habitude est moins fréquente que celle du craquage de doigts. »

(c) Misery Angel

« Mon père est né ici, à Broadcaster en 1926. Il a toujours été le p'tit gars de la ville, bien comme il faut. Beaucoup auraient aimé avoir un enfant comme lui, parfait en quelque sorte. Lui et ma mère se sont rencontrés vers l'âge de 20 ans. Du moins, lui avait vingt ans, elle vingt-et-un. Et quelle surprise en voyant mon cher papa fréquenter une étrangère, qui plus est qui n'inspirait confiance à pas grand monde. Ayant toujours été un enfant de cœur, il a paru bizarre à tout le monde de le voir "changer" du jour au lendemain de comportement. D'après lui, ma mère le rendait fou. Il en était tombé amoureux aussitôt, et très vite, elle était devenue la prunelle de ses yeux. En plus de ça, mon père était ce qu'on pourrait appeler un loser, alors l'étonnement a été complet en le voyant se battre pour sa copine dans une boîte de nuit. Je tiens beaucoup de mon père, physiquement à quelques exceptions près comme mes cheveux. Je suis sûrement plus mature que lui, puisqu'il est resté un enfant. Ma mère le répète aussi, c'est un véritable gamin. »

« Née en 1925, dans une banlieue de Varsovie. Franche, loyale et celle que je respecte le plus à l'heure actuelle, est assez reflétée dans mon caractère, là encore à quelques exceptions. Je ne connais pas réellement le passé de ma mère, qui n'a jamais voulu y faire allusion devant moi. Petite, elle me racontait l'histoire d'une petite fille, Lily, - parce que je voulais m'appeler ainsi - qui vivait une vie des plus pénibles. Je savais que quelques détails viennent de sa propre histoire, de là à dire qu'elle était Lily, je ne pourrais l'affirmer. Ma mère était courageuse. Elle le sera toujours, à mes yeux, mais je sais qu'elle a traversé des choses terribles, même si elle ne le reconnaitra jamais. Elle était de ceux qu'on appelle "la vermine" dans notre petite ville. Ma maman volait pour manger, elle se battait, mais jamais je n'ai pas été fière d'elle. De mon père aussi, bien sur, mais disons que la vie de mon père était assez paisible. Mes parents se contrastaient bien, ils se complétaient. Ils se complètent toujours d'ailleurs. C'est amusant de voir comme ces deux là s'entendent bien. A en être jaloux. »

« Nous voulions deux enfants, avec Jude. Seulement, il n'y a eu que Blodwyn. J'ai toujours sentis que ma petite fille s'ennuyait, qu'elle avait besoin d'amusement. Sa mère et moi essayions de lui en procurer, en passant le plus de temps possible avec elle, mais c'était complexe. Nous étions tous deux médecins, et les urgences ne pouvaient attendre. Nous étions demandés de partout, et nous n'avions pas le choix. Alors, pour les six ans de Bloody, nous lui avons offert un petit chien. Samantha, une belle golden retriever blond. Et dire que cette petite Sam vit encore, même si elle est très vieille. Je m'éloigne du sujet. Faute de pouvoir offrir un petit frère ou une petite sœur à Blodwyn, nous lui avons offert une compagnie tout autre qui a eu l'air de lui plaire. » Mrs Graham, mère de Blodwyn.

« Je suis née une froide nuit de 23 décembre. Mes parents ont toujours affirmé que c'était un signe, que j'étais promise à de grandes choses. Mon œil, ça m'étonnerait que se transformer en homme-loup était une grande chose. Enfin bref. Malgré mon anniversaire proche de Noël, j'avais quand même droit à des cadeaux. Du moins, j'avais plus de cadeaux le 24 décembre. Je ne m'en vantais pas, au contraire. Moins de personnes connaissaient ma date d'anniversaire, mieux je me portais. Etant déjà assez renfermée, je ne voulais pas de moqueries ou je ne sais quoi d'autre en plus. Mes parents ont été les plus heureux du monde à ma naissance. Je suppose que beaucoup ont été contents pour eux, qui n'étaient pas destinés à avoir une quelconque descendance. Blodwyn me fut attribué au moment même de ma naissance par ma mère. Mon père devait s'en fiche comme d'une guigne, tellement il était heureux. Il avait une petite fille. J'ai grandis rapidement, à mon goût. Les années sont passées à une vitesse hallucinante. La vie de tous les jours était pourtant des plus passionnantes. Je jouais deux personnages à la fois. L'ambiance à la maison était superbe, détendue et marrante, alors que je revêtais un masque pour le lycée ou le dehors. J'étais Blodwyn Graham, la fille froide avec tout le monde qui traine avec cette pauvre cruche de Jordan - quiconque aurait prononcé ces mots devant moi aurait souffert -, sa seule amie. Alors qu'à la maison j'étais joyeuse, bavarde, et parfois quelque peu sans gène. Mais comme je le disais, les années sont passées à une vitesse hallucinante. Il y avait des fois, où je me demandais comment j'en étais arrivée là, à mes dix-sept années, sans rien voir passer. Les évènements majeurs de mon existence sont devenus très vite, des futilités. Perdre ma première dent à été oublié le jour où j'ai eu mon appareil dentaire, mon année de 5e. Mes anniversaires ont été oubliés eux aussi quand Noël suivait. Tout à été gommer de ma vie. J'ai tout gommé de ma vie, par choix. Un choix évident selon moi. Je n'avais pas grand chose à regretter, et pas grand monde ne me regretterait. Je n'avais que mes parents, et je ne voulais pas leur faire de peine en leur avouant être un loup. Alors, je suis partie. Mais ça, c'est après. Avant, il y a eut toutes ces choses étranges. Plus étranges qu'à l'ordinaire, je veux dire. Samantha, mon chien, me grognait dessus. J'avais un appétit de plus en plus féroce. Et puis, d'ordinaire plutôt calme j'étais devenue irritable, colérique. Je me faisais peur à tout le monde, ainsi qu'à moi-même. »

« Blodwyn était bizarre depuis quelque temps. Elle me faisait peur. Vous rendez-vous compte de cela ? Ma fille m'effrayait. Elle avait des allures de monstre parfois. Je n'osais plus la contredire. Le mettre en colère. Parce que ses colères m'effrayaient. Même son chien avait peur ! Elle ne voyait plus personne, rentrait aussitôt du lycée, ignorait les coups de fil du peu d'amies qu'elle avait, et restait constamment enfermée dans sa chambre. Tom et moi commencions à nous faire du souci, et je pense que nous aurions du agir, au lieu de "nous faire du souci". Peut-être ma petite fille serait-elle encore à la maison, avec nous. Je culpabilise souvent de ne pas avoir vu tout ça avant. Et puis qu'est-ce que ce tout ça ? Je ne sais même pas ce qu'il se passait. Je ne sais même pas ce qu'avait ma Bloody. Je ne sais rien. Juste qu'à une période, ma fille allait mal, et que je n'ai même pas pu lui venir en aide, je n'ai rien pu faire, à part la regarder souffrir. »

« Dire que cette journée de 28 février était comme les autres. Je vous assure, identique aux autres. Si je m'étais attendue à ça tiens. Il était assez tard, minuit peut-être plus, je n'avais pas la notion du temps. J'étais dans ma chambre, comme d'habitude, allongée sur mon lit à rêver. Et puis, tout autour de moi s'est brouillé. Ma vision est devenue floue, j'ai essayé de me lever, mais je tanguais tellement, que je me suis rassise derechef. J'avais l'impression de sortir d'un accident de voiture, tout tournoyait. Tout s'est passé si vite. Je me suis mise à trembler, comme prise de sanglots, sans les larmes. Mes joues, mes bras, mes jambes, ma gorge, ma poitrine tout me piquait. Ma peau me piquait à dire vrai. La peur me gagnait de plus en plus à chaque seconde, quand mon père a frappé à la porte. Que devais-je faire, à part fuir ? Alors, j'ai ouvert ma fenêtre, et je suis sortie, au moment même où il entrait. Je vagabondai assez loin, pour finir dans la forêt de la ville. J'y étais en sécurité pour la soirée. Enfin, c'est ce que je pensais à ce moment là. En plein cœur des bois, j'entrais dans une fureur indescriptible. Je n'avais pas de raison d'être mécontente ou énervée, mais je l'étais. Je ne me contrôlais plus. Les picotements de ma peau continuaient de s'amplifier, et mes membres s'engourdissaient. J'avais mal. Je laissais échapper un cri, devant la chaleur qu'émanait de ma peau. Une légère brise fit son apparition, mais n'y changea strictement rien, et je restais chaude comme un four à pain. Bon sang, que m'arrivait-il ? Je devais atteindre les 40°c de chaleur, et j'étais encore vivante, et debout. Je veux dire, à la normale n'importe qui serait allongé par terre, se tordant de douleur, alors que j'étais debout, avec la peau piquante. D'ailleurs, cette douleur devînt rapidement insoutenable, et je ne pouvais plus me vanter d'être encore debout. J'avais flanché, j'étais à genoux. J'imaginais bien ma position, et je me demandai un instant si je devais supplier Dieu de me laisser en vie. J'ignorais la réflexion, pour pousser un nouveau cri. J'avais trop mal. Lentement, tel un film d'horreur, je vis de longs poils poussés sur mes bras. Je prenais d'abord cela pour une hallucination, mais j'y renonçais, en me retrouvant à quatre pattes, dotée de cinq sens super développés. Je poussais un dernier hurlement, tête vers le haut, assise sur deux pattes arrière, complètement déboussolée, écoutant l'écho de mon aboiement rebondir sur les arbres de la forêt. »

(c) Sae

« Bloody est partie. Ma fille est partie. Jude a commencé une dépression comme on commence un régime. Après une seule et unique visite de Blodwyn, elle a reprit confiance, et a remonté la pente. Tout allait mal, et tout va toujours mal d'ailleurs. Je ne comprends pas. Oui, elle était jeune. Oui, elle n'avait qu'une seule amie et devait s'ennuyer. Mais non, elle ne pouvait pas partir du jour au lendemain de la sorte. D'accord, elle avait prévenue, seulement nous n'étions pas près. Je craignais son départ, tout comme Jude. Sauf qu'un seul d'entre nous l'a réellement subi. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu cette plaie béante qui a fait, et fait toujours, mal. Bien sur qu'elle a été là. Disons que j'ai réussis à mettre une bande au-dessus et que la douleur s'est apaisée. Ma fille me manque, c'est irrémédiable, rien n'y changera, et le fait de recevoir de temps à autre des lettres d'elle me remonte le moral, mais j'ai trouvé un remède plutôt efficace : mon travail. Je voue un véritable culte au fait de sauver des vies. Peut-être ai-je l'impression de sauver ma famille en faisant ça, qui sait. » Mr Graham, père de Blodwyn.

« Je ne peux contester, j'ai causé beaucoup de soucis à mes parents, en partant. Je ne peux évoquer pour ma défense que le fait d'avoir voulu les protéger. Je crois qu'en fin de comptes je n'ai rien fait du tout, car ils ont beaucoup souffert de mon départ. Si j'avais pu tout changer depuis le début. Effacer cette nuit là, redevenir la Blodwyn que j'étais avant, bien que je n'ai jamais vraiment su laquelle des deux Blodwyn j'étais. Je me surprenais à vouloir être la gentille, celle qui riait seulement chez elle, alors que je me voyais plus comme l'autre. La fille froide et distante qui n'avait pas d'amis. La question ne s'est pas posée bien longtemps, je suis partie. Je n'avais plus à choisir laquelle des deux j'étais, car je pouvais avoir mieux. Je pouvais devenir n'importe qui. Ou du moins, n'importe qui avec ce lourd secret sur la conscience, qui pèserait des tonnes. J'avais sentis une meute, alors je les avais rejoins, et ils m'avaient accueillie. Soulagement je dois l'avouer, car je n'avais nullement l'intention d'encombrer mes parents avec des histoires de loups, qu'ils auraient considérées comme à dormir debout. Je savais parfaitement qu'au début, sans preuves, ils ne me croiraient pas, et en second lieu, ils auraient peur. Je ne voulais pas de ça. Et puis, j'allais leur causer des tonnes de problèmes, alors que je ne le voulais pas. J'ai eu de la chance de trouver ma meute. Mes nerfs n'auraient pas supporté de vivre avec mes parents, qui me verraient comme un véritable monstre. Je n'aurais pas supporté la pitié et la douleur de leurs yeux. J'avais déjà eu du mal à supporter la peine et le désespoir de mes parents quand je les ai quittés. Ensuite, je n'aurais jamais du revenir les voir, entre temps. Ma mère m'a bouleversé, bien que je m’attende à culpabiliser, je n'avais pas imaginé la voir dans cet état. J'avais perturbé tout. J'en payais le prix fort : une vie instable de louve. Pourtant, je commençais à trouver des avantages à cette vie. Très peu, certes, mais j'en trouvais. Mais la culpabilité persistait, et chaque jour qui passe, la honte d'avoir abandonné ma famille s'accentue. Je vis avec ça sur la conscience, et j'ai bien l'impression que mes regrets ne s'effaceront pas de si tôt. J'aurais honte toute ma vie, aussi longue soit elle. »