Dette de vie [PV - Norman]

Invité

Cela faisait bien trois heures qu'Angus observait les chasseurs, du haut de la cime des arbres. Quelle idée saugrenue leur était passée par la tête ? Aller chasser l'ours, cet énorme plantigrade, à la tombée du jour ! Vraiment, parfois certains manifestaient leur esprit suicidaire et chaotique... Pensaient-ils qu'ils auraient la moindre chance de rentrer chez eux, vivants ? Certes, ils l'abattraient leur nounours endormi, mais ils allaient y perdre la vie. Il était en effet hors de question que le vampire lasse s'échapper deux gaillairds aussi robustes ! Le premier était assez gras, pas vraiment super goûteux mais le second, jeune et visiblement en pleine forme constituerait un excellent dessert. Gallaghan chassait, comme d'habitude, non loin du clan des Black Blood et de son manoir. Cela faisait un petit moment qu'il n'avait pas adressé la parole à l'un d'eux, n'en jugeant pas l'utilité. Declan restait l'idole, si on peut dire de la plupart de ses toutous... quoique, ces derniers temps, il avait eu droit à une gifle sentimentale non négligeable ! Angus lui reconnaissait au moins un talent, celui d'avoir toujours une réponse à donner, même lorsque la coutume aurait voulu qu'il se taise. Impulsif, le patron... qui n'avait ce titre que par dépit. Gallaghan savait que s'il voulait s'emparer du pouvoir, il devrait se confronter au grand manitou... et il savait que ce n'était pas un choix judicieux... surtout quand l'adversaire peut vous terrasser après un combat où il garde son avantage de façon constante... Declan avait beau ne pas être le chef qu'il fallait au clan, s'il restait en place, c'est qu'il avait la force et l'endurance nécessaires à sa défense. Mieux valait donc, être dans ses petits papiers, même si entre les deux êtres, la tension était complètement aléatoire et dépendait du bon vouloir de chacun !

De toute façon, à sa connaissance, les Black Blood n'étaient pas dans leur refuge d'un ou deux soirs. Pratiquement tous étaient dehors, à la chasse à l'homme, ou à la terreur. En bon solitaire, Angus s'écartait de tout ce qui pouvait le mêler à ses esprits inférieurs... et de tout ce qui pouvait le lier à l'un d'eux, en fait... quoique, il y avait bien Norman. Avec le vampire, c'était une vraie amitié. L'un et l'autre se comprenaient, se parlaient d'égal à égal. Ce n'était probablement que le seul ami d'angus au monde. Et cela lui suffisait parfaitement. Dans son propre camp, c'était le seul qui ne manifestait pas d'hostilité à son égard. Les autres le considéraient bien souvent comme un faible puisqu'à leur différence, il préférait user de son cerveau que de sa force. S'il savait que ce soir, son cerveau allait faillir à sa tâche... Et oui, même les plus grands stratèges se trompent un jour. Généralement, plus la fierté et la confiance en soi est grande, plus la blessure est douloureuse ! Angus surveillait attentivement les deux chasseurs. Ils suivaient une piste qui le menait à une grande grotte. Intéressant tout cela, puisque c'était l'endroit idéal pour planquer deux cadavres... Le jeune homme qui malgré ses deux siècles d'existence, avait gardé un physique de beau garçon, scrutait le contrebas de ses yeux bleus. C'était étrange de voir ses piètres sac à viande se prétendre supérieur à un animal, si supérieur qu'ils n'avaient même pas peur ! Il aurait été si aisé à ce plantigrade d'arracher la tête de l'un d'entre eux... quelle pâle inconscience... Ils se séparèrent. Le premier, plus plus jeune entra dans la grotte. Tandis que l'autre attendait, aux aguets.

Angus profita de cette séparation inopinée pour se laisser tomber son arbre et avancer à travers la nuit tombante de façon si silencieuse qu'on aurait dit un fantôme. Son entrée était prête, cuite à point. Il planta ses crocs sur la gorge tendre du malheureux et plaquant sa main sur sa bouche pour l'empêcher de crier. A peine l'eut-il plongé dans un coma qu'un bruit d'explosion retentit. Sans doute l'ours... sauf que... Angus poussa un cri de douleur et lâcha sa prise. Deuxième bruit d'explosion, un autre coup de feu. Il tomba à terre, à moitié inconscient. Dans son flanc, il sentait ses chairs souffrir le martyre. On lui avait tiré deux balles à chevrotine de presque un centimètre, recouvertes de souffre qui lui brulait les entrailles, c'était une vieille méthode pour abattre les gros gibiers. La première avait été retenue par une de ses côtes, la seconde l'avait traversé. Il n'avait prêté garde au second humain, trop habitué à ce que ces êtres soient trop bêtes pour faire attention à lui. Erreur de sratégie... l'esprit supérieur par son mépris avait négligé les autres et il le payait. Il essaya de se relever lorsqu'un troisième coup de feu lui perfora la poitrine, lui arrachant un autre cri de douleur, étouffé. Il sentait son sang s'écouler lentement... ce liquide noir qui composait son être... Le jeune homme s'approcha de lui, lui donna un coup de pied et attendit, le dévisageant avec sa lampe torche. Angus souffrait trop pour l'attaquer. Sa vue commençait déjà à se brouiller. L'humain qui l'avait terrassé lui jeta un regard empli de peur et sa voix brisa le silence :

- Alors... c'est vrai... ces histoires de vampires, ce n'est pas du pipot ? Vous tuez vraiment les chasseurs... espèce de... d'ordure ! C'était mon frère !

Et il braqua son fusil en visant la tête d'Angus, ce dernier savait que s'il tirait, c'était la fin pour lui... Un vampire avait beau avoir des capacités de régénération surprenantes, il n'en restait pas moins mortel... un défaut de taille, dira-t-on ! Mais le jeune homme ne tira pas, il jugea que laisser Angus souffrir et mourir à petit feu était suffisant. Et il craignait d'être seul dans ses bois et d'avoir rameuté du monde. Alors il se mit à courir à toutes jambes. S'il racontait ce qu'il venait de vivre, Angus allait être très, très mal... surtout s'il survivait ! Il se traîna du mieux qu'il put vers le corps sans conscience de l'autre chasseur... Il n'aurait jamais assez de sang pour soigner ses blessures. Un râle de douleur, puis il planta ses dents dans la chair, aspirant la moindre goutte de sang. Il continuait d'en perdre, de toute façon... Son odorat se faisait moins grand, il sentait du sang frais, le sien probablement, et comme une présence... l'ours ? Le plantigrade allait-il s'offrir le luxe de l'achever ? Sa vue, troublée par la douleur et la fuite de liquide vital discernait comme une ombre... peu importe, s'il n'avait pas de sang rapidement, il ne pourrait jamais cicatriser à temps, il était condamné à se vider de son sang, sans pouvoir lutter contre... Il semblait néanmoins que son heure n'était pas tout à fait venue...

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