Retrouvailles au sommet [PV Declan]

Declan Bowden connaissait le besoin d'indépendance de sa femme, Becca était comme ça. Et lui aussi. C'était un de leurs points communs. Seulement Becca avait le don de partir n'importe quand n'importe où avec sa spontanéité naturelle sans prévenir, et ça Declan ne le supportait pas. Déjà le fait qu'elle soit seule l'embétait au plus haut point et il avait insisté durant de nombreuses années pour l'accompagner avant de se rétracter, elle était têtue comme une mule de toute façon. Et puis Declan partait seul lui aussi parfois alors il ne pouvait la blâmer éternellement, même si cela faisait presque une semaine qu'elle était partie.

Poussant la lourde porte en bois qui émit un grincement limite sinistre, Declan sortit de Dark Gold Mansion, le quartier général du clan, idéalement situé en plein coeur de la fôret à l'abri des regards indiscrets. Une batisse ayant appartenu à l'ancien propriétaire des mines de Babylon et qui avait été abandonnée aux aléas du temps. Cela faisait deux ans que les Black Blood avaient élu domicile dans la vieille demeure et l'avait réabilité, lui redonnant un peu de son cachet d'avant. Il avait suffit d'un signe de tête pour que Draven comprenne qu'il avait besoin de lui et Declan s'était enfoncé dans la fôret environnante, ayant besoin de prendre l'air.



L'air était frais et Declan inspira un grand coup, geste dont il n'avait plus besoin depuis qu'il était devenu un vampire mais qu'il ne voulait pas abandonner, lui conférant encore une sorte d'humanité. Comme il lui arrivait de faire semblant de dormir. Assis à la cime d'un des nombreux pins centenaires, sur une branche, que comptait la fôret Shenandoah qu'il avait gravi en à peine quelques secondes sans effort, Declan était fouetté par le vent de toute part, observant les toits des maisons de Babylon qui s'étendaient à quelques kilomètres à ses pieds. Soudain une odeur qu'il reconnaitrait entre mille lui chatouilla les narines et un sourire de soulagement s'étendit sur ses lèvres bien que ses yeux s'assombrirent de colère.

« Enfin... » grogna t-il en pensant à sa femme car oui, il savait que c'était elle. Aussitôt il se tourna vers les falaises qui s'élevaient derrière lui. C'était au sommet de ses hautes parois de calcaire que les deux amoureux se retrouvaient à chaque fois, c'était leur lieu de rendez-vous préféré, un endroit insolite où peut de personnes osaient s'aventurer. Il ne put s'empècher d'être en colère contre Becca d'être partie sans laisser de mots car c'était cela qui l'avait le plus miné aussi Declan décida de la faire attendre comme elle l'avait fait attendre. « ça lui fera les pieds... » pensa t-il tandis qu'il redescendait de son perchoir, sentant un autre parfum cette fois, celle d'un petit groupe de randonneurs. Le diner était servi.



Un gargouillement étrange parvint aux oreilles sensibles de Declan, le bruit significatif de quelqu'un qui s'étouffe avec son propre sang, le sang dont le vampire était entrain de se repaitre. Une fois rassasié, Declan releva la tête, essuyant un filet de sang coulant du coin de ses lèvres, pour croiser le regard de la mourante. Il lui sourit, un sourire carnassier, dévoilant ses dents blanches, avant de la lâcher lamentablement à terre et de l'achever en lui brisant les cervicales. Declan avait beau s'abreuver de sang humain, il n'aimait pas se délecter de la vue des mourants, il préférait les tuer pour de bon une fois que sa soif était étanchée. Il se releva en époussetant son jean plein de terre et jeta un regard autour de lui, les trois personnes qui composaient le groupe de randonneurs étaient à terre, mortes. Il faut dire que Declan était affamé et ces pauvres humains étaient tombés à pic. Il n'avait suffit que de quelques minutes, et Declan se dirigea alors vers les falaises, laissant la scène telle quel, la neige aurait tôt fait de masquer les corps et son statut de vampire conférait à Declan une légèrété qui lui évitait de laisser des traces.



Il arriva au sommet des falaises sans grand effort en à peine quelques minutes et l'odeur entétante de Becca lui parvenait avec plus de distinction à présent. Elle n'était pas loin et Declan savait parfaitement qu'elle l'avait entendu et sentit. Les vampires avaient la chance d'avoir les sens extrèmements dévellopés. En à peine quelques secondes, il fut derrière elle.

« Pendant un instant, j'ai presque cru que tu me boudais.
- C'est le cas... » pensa t-il en regardant l'horizon, bien décidé, presque en vain, à ne pas flancher devant le regard envoutant et le sourire de sa chère et tendre.

Il daigna baisser le regard vers Becca lorsqu'elle se leva et se dirigea vers lui d'un pas léger, propre aux personnes de leur éspèce. Declan ne bougeait pas, elle non plus, chacun campant sur ses positions mais il le savait elle craquerait avant lui et se fut le cas quand elle leva les yeux au ciel tandis qu'un sourire ironique venait de se figer sur ses lèvres. Becca s'approcha un peu plus et glissa ses mains dans les siennes en l'implorant quelque peu.

« Oh, allez, ne me fais pas cette tête. Je suis revenue, tu vois. Evite moi la leçon de morale, s'il te plait.
- La prochaine fois que tu pars sans prévenir, je t'étripe. » déclara t-il sur un ton glacial, la fixant de ses yeux verts clairs aux éclats mordorés, signe qu'il était complètement repu.

Declan l'entendit pousser un petit soupir sans se départir de son sourire ironique et avant qu'elle ne s'apprète à répliquer, il l'attira brutalement à lui, passant ses bras autour de sa taille afin de la soulever de terre comme s'il s'agissait d'un vulgaire paquet. Elle lui avait terriblement manqué et il n'était pas d'humeur à se disputer avec elle comme il le faisait quasi-quotidiennement. Becca ne perdait rien pour attendre cependant. Enfouissant son nez dans sa longue chevelure blonde de sa compagne, Declan respira son odeur si particulière et qu'il aimait tant, une douce saveur d'air pur et de fôret, un parfum de liberté.

Elle répliqua, comme à son habitude, sur le ton de la plaisanterie. C'était une manie chez elle, se sortir des situations les plus mauvaises en faisant une petite blague. Le pire, c'est que cela marchait plutôt bien avec Declan, il se dérida. Un petit sourire naquit au coin de ses lèvres, avant qu'un léger rire ne s'en échappe, phénomène rare qui n'était donné qu'à une seule personne, Becca. Son rire résonna et se répercuta en écho contre les parois des montagnes envirronantes, un rire pur et cristallin qui donna du baume au coeur à Declan. Après avoir humé son parfum avec délectation, il se détacha lègèrement d'elle, la tenant toujours fermement à plusieurs centimètres du sol et plongea son regard émeraude dans le sien, d'un bleu azur à damner un saint. Des légers éclats mordorés se dessinaient autour de son iris, signe qu'elle avait mangé. Declan aimait particulièrement leur couleur qu'il ne voyait que lorsque Becca avait mangé à sa faim ou se sentait bien et cela le rassurait quelque peu. Ils se fixèrent ainsi durant quelques instants, rendant les choses autour d'eux complètement insignifiantes. Ce fut Becca qui brisa le silence de sa voix claire et légère.

« Alors chef, suis-je autorisée à vous embrasser ou comptez-vous continuer de jouer les indifférents pour vous venger de mon absence prolongée ? » le taquina t-elle en approchant significativement son visage du sien. L'on ne pouvait dire que leurs souffles se mélangèrent à cet instant car ils n'en avaient pas, ayant coupé le mécanisme de la respiration. C'était leur moment. « Et bien... » commença Declan en haussant un sourcil. « Je ne suis pas sur que tu le mérites » finit-il d'une voix qui n'avait plus rien à voir avec le Declan froid qu'il était en permanence. Il était le Declan de Becca, plus doux et sensuel, ne perdant pas pour autant sa brutalité naturelle. Alors que leurs lèvres se scèllèrent en un baiser passionné, le vampire se sentit partir. C'était comme ça avec Becca et dieu s'il avait eu des aventures avant elle, vampire ou non. Ses sensations étaient exacerbées depuis qu'il était passé de l'autre côté et bien qu'il ai déjà charmé des vampires femelles, aucune d'entre elle ne lui faisait tourner la tête comme Becca pouvait le faire. Il avait mis plus de vingt ans à l'avoir mais il ne le regrettait nullement. Elle était parfaite pour lui.

« Huuum... » murmura t-il en redéposant sa femme à terre, rompant par la même occasion leur étreinte. « Tu étais où ? » Demanda t-il d'une voix ferme. Et oui, la hache de guerre n'était pas encore tout à fait enterré et plutôt têtu et lunatique, l'on ne pouvait pas vraiment prévoir les réactions de Declan. Un coup il pouvait être prêt à tout pardonner comme il l'était quelques secondes auparavant et ensuite, sa véritable nature dominatrice reprenait le dessus. « Canada ? Comme d'habitude ? Ou une autre envie t'es passé par la tête ? » ajouta t-il sans laisser le temps à sa compagne de répondre. « Tu crois que ça m'amuse de m'inquièter pour toi alors que les attaques se font plus fréquentes ? Te souviens-tu des nouveaux nés de la semaine dernière ? Nous en avons tués plus d'une dizaine mais ils en prépareront d'autres... Ton expèrience ne fera rien contre une armée d'enragés » déclara t-il, un grognement sourd se faisant entendre du fin fond de sa gorge. Il ne lui avait pas avoué mais Declan avait vraiment était inquiêt pour elle et ses responsabilités pour le clan n'arangeait rien. Passé l'euphorie des retrouvailles, il était bien décidé à mettre les points sur les i à sa vampire de femme. Après tout, il savait de quoi il parlait. C'était en soulevant une armée complète de nouveaux nés qu'il avait vu venir à bout des fondateur du clan, deux rapaces égoistes. D'ailleurs quelques uns se demandaient parfois encore pourquoi le nom Black Blood était resté mais Declan se refusait d'effacer une telle chose, c'était comme un trophée pour lui. Fixant avec sévérité sa compagne, ses yeux s'étant assombris instantanément, Declan enfonça ses mains aussi glaciales que le vent qui les fouettaient de toutes part au fin fond des poches de sa veste en cuir, il ne souffrait nullement du froid et aurait pu se ballader en tenue d'Adam mais il fallait bien que les vampires paraissent normaux aux yeux de tous.

Il sentit ses mains de nature glacées se poser sur son visage mais ne réagit pas, Declan n'était pas dupe et il ne voulait pas se laisser aussi facilement amadouer par sa femme. Aussi cette dernière soupira avant de répliquer sur le même ton plaisantin et ironique. Declan ne pipa mot mais n'en pensait pas moins, s'il avait pu, il l'aurait bien séquestré à Dark Gold Mansion pour qu'elle comprenne que ce n'était pas le moment de jouer les imprudentes même lui avait renoncé aux grandes ballades afin de rester autour de Babylon. Les attaques avaient été fréquentes ses quelques dernières semaines et pour l'instant, il vallait mieux faire attention avant que le déroulement de leurs vies ne reprenne son cours normal. Rebecca lui tourna le dos, lui montrant clairement son mécontentement qui était partagé, par pour les mêmes raisons cependant. Ils restèrent ainsi quelques minutes comme ceci, l'un à côté de l'autre, ne faisant aucun geste. Elle, les bras croisés, le regard fixé sur les falaises, et lui, les mains dans les poches, fixant obstinément un point opposé.

C'est un soupir sans souffle qui passa les lèvres de Declan avant qu'il ne s'approche à pas de velours de sa femme, passant ses bras autour de sa taille, il la serra du plus fort qu'il pu en déposant un baiser sur le sommet de son crâne. Il détestait que de tels blancs s'installent entre eux et le fait que Becca l'ai laissé s'installer venait de lui prouver que ce n'était pas une énième discussion animée comme ils en avaient tous les jours. C'était beaucoup plus sérieux. Sa vampire d'épouse sembla se détendre et Declan posa son menton sur son crâne, regardant l'horizon. « Tu n'as pas à t'inquièter, je cours très vite, tu sais » Il ne put s'empècher d'emettre un petit grognement, l'argument était mince et absolument pas convaincant et elle le savait parfaitement. C'était une tentative vouée à l'echec. Tout le monde dans le clan faisait des efforts en ce moment pour qu'ils restent groupé, pourquoi pas elle. Bien que Declan ne la connaissait que trop bien savait que ses excursions étaient un besoin vital pour elle, il ne lui demandait que de rester plus près et de ne pas partir sans prévenir. C'était simple et pourtant cela ressemblait à de la torture.

Alors qu'il était perdu dans ses pensées, Rebecca l'en sortit en se détachant de lui et se retournant, posant sa main sur son torse alors que leurs regards se croisèrent et se mèlèrent. Il sentit sa réticence lorqu'elle commença à parler, déplorant le fait que les choses prenaient une tournure sérieuse. Declan ne dit rien et se contenta d'écouter. L'enfermer ? Cela aurait pu être une solution mais Declan savait très bien qu'elle ne lui pardonnerait jamais un tel affront et il l'aimait trop pour ça.

« Becca... commença t-il d'un ton sérieux et dur. Tu crois que je ne te connais pas ? Je sais très bien ce que tu veux. »

Après autant de temps passé ensembles, les secrets n'avaient pas leur place et Declan comprenait parfaitement sa femme.

« Tout le monde fait des efforts dans le clan. Même moi... Tu sais très bien que j'ai autant besoin de toi de ballader seul mais ce n'est tout simplement pas le moment. Tu comprends ça ? Tout le monde fait preuve de maturité et prend sur soi, continua t-il parlant à coeur ouvert. Ca te coute quoi de prévenir les autres et de rester au alentours de Babylon pour quelques temps ? On a l'éternité devant nous, ça ne reprèsente rien pour nous et quand tout redeviendra à la normale, tu seras aussi libre que l'air. Cesses de faire l'enfant. »

Elle l'avait blessé, c'est sur mais il savait que les mots qu'il lui disait étaient dur à entendre et que Declan était entrain de la blesser aussi. Becca devait comprendre. Il avait toujours été protecteur et clément avec elle, par amour, mais là, il fallait qu'elle prenne conscience que cela n'avait rien à voir.

Elle ne cilla pas, comme à son habitude, refusant de montrer ses faiblesses mais Declan la connaissait par coeur. Il lisait en elle comme dans un livre ouvert, ses longues heures où il avait observé sa femme n'avait pas servi un rien et le vampire savait que c'était un atout, même s'il ne lui avait jamais dit ouvertement, lui laissant son petit jardin secret. Son visage exprimait la dureté mais il n'aspirait qu'à serrer sa femme sans ses bras en lui sussurant que cela passerait. Declan n'était même pas sur que les deux êtres se rendent compte de l'attirance presque inssuportable qui existait entre eux. Cette attirance était telle que Declan changeait du tout au tout lorsqu'il était tous les deux, montrant une facette plus tendre et protectrice que jamais, alors qu'il était froid, colérique et impulsif avec les autres. C'était là sa faiblesse. Becca était sa faiblesse, son âme soeur, celle dont il ne pouvait se passer et Declan avait peur, peur de la perdre et de ne pas le supporter, de perdre la face. Et il ne pouvait se permettre ceci. Le vampire avait entre ses mains la responsabilité de tout un clan, le destin de plusieurs vampires. Il ne voulait en aucun cas faire les mêmes erreurs que les anciens chefs du clan Black Blood, Eleanor et Genesis. Declan ne voulait en aucun cas s'abaisser. Il se devait d'être fort.

Declan ferma les yeux un instant, inspirant une bouffé d'air inutile bien évidemment, quand Rebecca serra sa main dans la sienne. Il pouvait sentir tout l'amour qu'elle lui portait et le mari aimant qu'il était exerça une légère pression sur sa main fine. Elle se mit alors sur la pointe des pieds et lui glissa à l'oreille quelques mots qui suffirent à le rendre alerte. Becca avait toujours refusé qu'il l'accompagne dans ses escapades, voulant être seule, il l'avait toujours comprise, car il éprouvait le même besoin, mais la faiblesse qu'il avait pour elle faisait que Declan la considérait comme une poupée de porcelaine fragile, sa poupée, sa femme, celle qu'il aimait plus que tout au monde. Il n'eut pas le temps de répondre qu'elle s'empressa de mettre des mots sur ses pensées, voulant à tout prix lui expliquer. Sa femme venait de reprendre son air malicieux et Declan ne put s'empècher de soupirer, sans souffle, avant de rouvrir les yeux. Il était resté stoïque.

« Je suis le chef, j'ai beaucoup de responsabilités et tu le sais » commença t-il. « Pour le meilleur et pour le pire... » ajouta t-il en sortant de son tee-shirt, la chaine qu'il avait autour du cou, lui montrant l'alliance qui y était accroché, lui faisant clairement comprendre qu'il ne l'avait nullement forcé à quoi que se soit. « Je t'aime Becca... Tu es tout pour moi mais tu me rends faible. » reprit-il après avoir remis l'anneau à sa place, contre son coeur sans vie. Declan ne lui disait pas souvent qu'il l'aimait, cela avait une grande importance pour lui et cela ne devait nullement être pris à la lègère. Peut être fallait-il mieux prendre un peu de distance le temps que les affaires du clan se tassent afin que Declan soit plus en condition. Tout se passa vite et sans que sa femme n'eut le temps de répliquer, il l'attira vers lui encore plus viollement que la première fois, la serrant contre lui avec une hargne sans borne, quitte à lui briser les reins, lui montrant clairement qu'il se devait d'être fort et d'arrêter de se comporter comme un chamallow. Becca l'avait choisit tel qu'il était, les défauts n'était pas une option.

Existait-il un terme pour décrire le sentiment qui animait Becca ? Un curieux mélange d’appréhension, de fébrilité et d’enthousiasme l’envahissait à la seule mention d’une telle proposition. Pendant des années, ou plutôt des siècles, la jeune femme lui avait toujours refusé l’accès à cette part d’elle-même. Sans doute préservait-elle le mystère, par crainte de se mettre complètement à nu devant lui. Elle n’avait jamais aimé qu’on tente de percer sa carapace, qu’on découvre celle qui se cachait derrière la façade. Les gens ne se contentaient-ils donc jamais de ce qu’on voulait bien leur offrir ? Declan étaient de ceux-là. Pendant des années, il avait insisté pour l’accompagner. Bien qu’il justifiât toujours cet acharnement par un désir de lui éviter inattendus et mauvaises surprises, elle l’avait souvent soupçonnée de vouloir partager ces instants où elle s’abandonnait totalement à cette liberté qui lui était si chère, son attention entièrement dirigée sur et la cadence effrénée de ses pas et sur le vent qui soulevait doucement sa crinière blonde. Si elle avait toujours jugée ces escapades solitaires absolument indispensables à sa santé mentale, pour une obscure raison, depuis quelques temps, elle imaginait son époux à ses côtés.

La demoiselle attendait donc une réaction de sa part, et une réponse positive, osait-elle espérer. Cette demande était très importante et extrêmement significative pour elle. C’était, en quelque sorte, lever le voile une bonne fois pour toute sur ce dernier mystère, s’ouvrir entièrement à lui sans aucune dissimulation. Ses yeux brillaient ; elle n’affichait plus cette lueur de malice, laissant plutôt place à une sincérité déconcertante mais ô combien touchante. Il était extrêmement rare de la voir s’emporter ainsi dans des élans plus ou moins sentimentaux, elle préférait généralement sauver sa réputation en blaguant ou tournant la situation en dérision. Pourtant, ce soir, elle n’avait aucunement envie de briser la magie du moment. Elle était seule avec Declan pour la première fois depuis… combien de temps déjà ? Elle avait oublié, obnubilée par son regard vert, pratiquement incapable à ce stade de formuler la moindre pensée cohérente. Parfois, elle perdait les pédales, emprisonnée dans leur petit cocon d’amour. Cependant le soupir que poussa son mari effaça partiellement son sourire attendri. Blessée, poignardée par ses mots, elle esquissa une réplique sans grande conviction.

« Je ne t’ai jamais demandé d’abandonner le clan… juste une journée ou deux avec moi, de temps en temps. »

Becca se mordit la lèvre inférieure en l’apercevant glisser une main sous son tee-shirt pour en ressortir son alliance, lui rappelant froidement qu’elle l’avait choisi en toute connaissance de cause. La jeune femme fronça les sourcils, la gorge serrée, incapable de dire quoique ce soit, alors qu’elle n’avait qu’une seule envie, lui hurler au visage la douleur et la souffrance qu’il lui imposait. Il banalisait ce cadeau qu’elle lui offrait, et repoussait du revers de la main cette demande qu’il jugeait sans importance. Encore une fois, les intérêts du clan prenaient le dessus sur leur relation conjugale. Rebecca n’avait jamais fait d’histoire, elle l’avait excusé jour après jour, fermant les yeux sur ses absences. Pourtant, ce soir, c’était trop. N’avait-il pas juré devant dieu de la chérir jusque dans l’éternité ? La demoiselle croisa les bras sur sa poitrine, une faible tentative pour se protéger du venin de ses mots. Le jeune homme ne semblait toutefois pas conscient du mal qu’il lui faisait, puisque sans qu’elle puisse l’éviter, il l’attira à elle violemment. Si elle avait été humaine, nuls doutes qu’elle serait morte, brisée par cette étreinte mortelle. Becca ne lui retourna pas son étreinte, incapable de faire un geste, se contentant de lui adresser la parole d’une voix morne et sans vie, pour se terminer sur ton plus dur et plus colérique.

« Tu vas prendre tes distances, n’est-ce pas ? Tu vas encore essayer de t’éloigner de moi sous prétexte que je te rends faible ? Le clan d’abord et avant tout, comme d’habitude. Je ne te comprends pas. Comment peux-tu me dire que tu m’aimes et agir ainsi ? »

Becca s’était à nouveau éloigner de lui, le toisant froidement. Elle lui en voulait, et hors de question qu’elle cède une fois de plus. Elle était toujours celle qui pardonnait, qui courbait le dos. Elle en avait marre de toujours avoir à mettre ses propres sentiments de côté pour éviter de le froisser. Il ne pouvait pas la traiter ainsi. Mais plus que tout, elle éprouvait la crainte qu’il ne mette réellement à exécution ses pensées. Elle le connaissait trop bien, il agissait toujours de la sorte avant de s’éloigner. Elle ne voulait pas revivre l’enfer de la deuxième guerre mondiale. Elle refusait d’être à nouveau celle qui attend et qui meurt d’angoisse. Non. Elle ne cèderait pas.

Declan avait blessé sa vampire de femme en rejetant sa proposition mais il ne pouvait pas céder, elle le connaissait et savait qu'il ne reviendrait pas en arrière. Cela faisait belle lurette qu'il avait cessé de l'embêter en voulant à tout prix l'accompagner, il avait compris même si cet affront lui avait fait mal. Il eu une désagréable sensation lorsqu'elle resta de marbre devant son étreinte. C'est quasi quotidiennement que les amants se déchiraient avant de se retrouver mais ce soir, la situation le ramenait aux années quarante lorsqu'il lui avait annoncé qu'il voulait s'engager dans l'armée. Draven avait pris les rênes du clan durant son absence de Declan avait combattu aux côtés des Français. Cela avait été une période dure et Declan n'avait jamais raconté quoi que se soit de cet interlude. Et ce soir, le déchirement entre les deux époux étaient imminent. Pourquoi fallait-il toujours qu'une sorte de compétition s'installe entre eux ? Qui des deux époux ferait le plus de mal à l'autre avant que la tension qui les animait tout deux ne les fasse se retrouver ?

Le vampire relâcha la pression forte avec laquelle il retenait sa femme et elle s'éloigna de lui, son regard s'étant assombri indubitablement. Becca lui en voulait énormément, il le savait mais les deux amants avaient tout deux une fierté et un orgueil sans bornes dans ses moments là. Elle lui repprocha de vouloir encore s'éloigner, de faire passer le clan avant elle. Declan ne broncha pas mais les derniers mots de Becca lui firent froid dans le dos et les muscles du vampire se tendirent immédiatement. S'il y avait bien une chose que Declan n'appréciait pas, c'était que l'on doute de sa sincérité.

« Tu doutes de mon amour. » déclara t-il d'un ton brut et glacial, une voix que la plupart des membres craignaient d'entendre. « Je ne te permet pas, tu m'entends ? » ajouta t-il alors qu'elle ne réagissait pas, haussant significativement le ton avant de lui attraper le bras pour la forcer à le regarder droit dans les yeux, ses yeux émeraudes d'ordinaires qui n'étaient à présent que deux billes d'un noir brillant. « Serais-je ici à perdre mon temps avec toi si je ne t'aimais pas ? » demanda t-il en la secouant légèrement, la pression qu'il exerçait sur son bras aussi dur et froid que la pierre, du à leur condition.

« Ne vois-tu donc pas que depuis toutes ses années, je fais tout pour toi ? N'ai-je pas fermé les yeux sur plusieurs de tes agissements alors que les autres en prennent pour leur grade ? » Declan avait toujours fait preuve de plus de clémence envers son épouse, même avant qu'elle ne lui tombe dans les bras, se faisant ainsi des ennemis au sein même du clan car même si elle était celle pour qui il donnerait sa vie, Declan se devait d'être juste avec tout le monde et ce n'était pas toujours le cas. Chose dont sa femme ne semblait pas s'en rendre compte. « Tu fais l'enfant Becca, et je ne suis pas ton père. » asséna t-il enfin avant de la lâcher brutalement, la toisant aussi froidement qu'elle pouvait le faire.

Bientôt, la douleur laissa place à la colère. Une colère froide, dévastatrice, qui rongeait son être tout entier. Elle avait mal, et cette souffrance qu’il lui causait, ce vide qu’il creusait en elle, ne tarda pas à être comblé par la rage, la haine et la rancœur. Rebecca n’avait éprouvé qu’une seule et unique fois ce dangereux cocktails d’émotions avant aujourd’hui. Le souvenir de ces sombres années pendant lesquelles la jeune femme s’était retrouvée séparer de sa raison de vivre planait comme une ombre menaçante au-dessus de leur couple en équilibre sur un fil de fer. Lorsqu’elle se retrouva violemment attirée contre lui, elle ne songea pas une seule seconde à lui rendre son étreinte. Elle n’était peut-être pas consciente qu’il s’agissait de la dernière avant longtemps. Declan lui filait entre les doigts. Elle le savait sur le point de prendre ses distances, et chaque minute qui s’écoulait l’éloignait un peu plus d’elle. Une nouvelle fois, il montait sur le bateau, l’abandonnant sur la rive, seule et brisée. Si les vampires avaient eu la faculté de pleurer, Becca se serrait probablement effondrer au sol, en larmes.

Pourtant, lorsque le jeune homme se détacha d’elle, la demoiselle se tenait toujours aussi droite et immobile qu’un soldat. Aveuglée par un sursaut d’orgueil qui l’empêchait de courber l’échine pour éviter la guerre, Rebecca posait sur Declan, un regard aussi froid et tranchant que l’acier. Un regard de marbre, destiné à dissimuler la douleur qui l’animait et à provoquer son époux. La tendresse et la douceur qui se lisaient quelques minutes plus tôt, aussi bien dans leurs baisers que dans leurs paroles, semblaient n’avoir jamais existé. Deux siècles durant, elle n’avait aspiré qu’à pouvoir passer l’éternité au creux de ses bras, sa tête posée sur son torse comme lors de ces instants de pure magie où le reste du monde cessait d’exister aux yeux des deux amants. Ce soir, l’avenir se dérobait sous leurs pas, et leur couple, pour la première fois depuis vingt ans, ne semblait pas apte à surmonter l’épreuve.

« Je ne vois pas en quoi perdre ton temps avec moi est une preuve d’amour. » répliqua-t-elle aussi durement qu’il l’avait fait, remettant une nouvelle fois le sujet de ses sentiments sur le tapis. Declan enserrait son bras, d’apparence fragile. Elle ne broncha pas, préférant le défier, une lueur de mépris animant son regard azur. Le vampire avait toujours provoqué en elle, une palette d’émotions qui n’avait jamais cessé de la surprendre et ce, dès les premiers instants de leur rencontre. Si elle n’avait jamais voulu avoué, elle avait toutefois toujours su qu’elle l’avait aimé dès qu’elle l’avait aperçu, dans la pénombre de sa chambre. Ce soir, cependant, il était envahi par le doute, qui s’insinuait dangereusement dans la moindre parcelle de son être. Il n’admettait pas qu’elle songe à cette perspective, mais Becca, têtue, ne pouvait s’en empêcher. « Tu n’aurais pas dû me mordre », pensait-elle, furieuse contre elle-même, contre Declan, contre la terre entière. Elle reprit toutefois rapidement ses esprits et réagit brusquement à l’évocation de ses sacrifices.

« Je ne t’ai jamais rien demandé. Quoique, en y repensant, c’était peut-être ta façon de te faire pardonner tes absences et ton manque d’attention. » répondit-elle, sans réfléchir aux conséquences. Dans l’immédiat, elle n’avait qu’un seul souhait, qu’un seul et unique besoin : le blesser. La sagesse lui dictait de baisser les armes, de lui demander pardon sans attendre et d’oublier cette vilaine querelle. Pendant deux cents ans, elle avait écouté cette petite voix, concédant la victoire à Declan à de nombreuses reprises pour la survie de leur couple. Désormais, elle n’avait plus envie de se montrer docile. Il s’en prenait à elle ? Elle répliquait deux fois plus violemment. La jeune femme réagissait instinctivement, comme si la douleur était trop grande pour qu’elle conserve son calme.

Les deux amants se toisaient froidement, et aucun des deux ne semblaient décidé à faire un geste. Declan, sur un ton de reproche, lui rappela qu’il n’était pas son père et que la responsabilité ne lui revenait pas de réprimer ses gamineries. Becca inspira, avant de lui adresser la parole à son tour, sur un ton plus aimable mais toujours aussi distant.

« Tu as raison. Tu n’es pas mon père. » commença-t-elle, avant de mettre sa main gauche bien en évidence, de poser le pouce et l’index sur son annulaire et de retirer avec une lenteur exagérée pour un membre de son espèce, l’alliance qu’elle portait. Elle poursuivit ensuite : « Et tu n’es plus mon mari. Je te rends ta bague. Désormais et jusqu’à nouvel ordre, je ne veux plus rien de toi. Tu m’entends, rien ! Plus de protection, plus de traitement de faveur. Tu es mon chef, et je suis sous tes ordres. C’est tout ce qui nous unit, maintenant. » dit-elle, avant de lui tendre son cadeau et de terminer sur un ton sec et provocateur : « C'est ce que tu voulais, non ? Sans moi dans les parages, tu auras tout le loisir de te concentrer, chef. »

C'était à qui irait le plus loin dans cette joute verbale. L'orgueil, la fierté et tous les vices avaient pris le pas sur la raison et les sentiments. Becca répliquait avec une hargne nouvelle et Declan bouillonnait de l'intérieur, un semblant de jugeote l'empêcha de la saisir par le col afin de la réduire en charpie. C'est chaque fois la même rengaine, la même mélodie qui se repêtait mille et une fois. Cependant quand sa vampire de femme reprit la parole avec un air faussement aimable plus calme mais extrèmement distant alors qu'ils se toisaient méchamment, Declan eut l'impression qu'on venait de lui arracher le coeur. Cela faisait bien longtemps qu'il ne battait plus mais Declan était persuadé qu'il aurait succombé direct devant cet affront. Avec lenteur et exagèration Rebecca Bowden, sa femme, son âme soeur, venait de retirer l'alliance, signe de leur amour, avant de la lui tendre. Trop hébèté bien qu'il n'en montra rien, Declan ne répondit pas à son geste et la bague fini à terre alors que Becca venait de la lâcher lui assénant le coup fatal d'un ton sec et provoquant. Que répondre à ça ? Declan n'en savait rien mais il sentait qu'il allait exploser d'un moment à l'autre. C'était pire qu'une trahison pour lui. Becca venait d'aller trop loin et les yeux de Declan déjà d'un noir de jais se teintèrent de rouge, il s'approcha alors d'elle pour la saisir une nouvelle fois par le bras mais la violence avec laquelle il le fit n'avait rien à voir avec les fois précédentes, il voulait délibérement lui faire mal, la heurter comme elle venait de le faire. Il l'aurait bien balancé du haut des falaises pour lui montrer à quel point, mais l'amour qu'il lui portait pointait encore le bout de son nez au find fond de son être.

« C'est ce que tu veux? » lui demanda t-il en hurlant presque, la secouant viollement. Elle résistait mais à ce moment, il la dominait, sa colère et sa peine était telle que rien ne pourrait l'arrêter avant un bon moment. « C'est c'que tu veux? » redemanda t-il quelques secondes, ensuite, encore plus haineux, après en la forçant à le regarder en la maintenant de son autre main. Son regard était froid, colérique et Declan la lâcha. « Très bien... » dit-il d'un ton sec et froid. « Tu me déçois Becca » souffla t-il dans un murmure alors qu'il était à vingt mètres d'elle. Il savait parfaitement qu'elle l'avait entendu, l'ouïe vampirique était tellement fine que l'on pouvait distinguer les bruits à des dizaines de kilomètres, tout comme l'odorat très sensible.

Malgré leurs interminables et quotidiennes disputes, jamais Declan n'avait songé à enlever l'anneau pendu à son cou, il ne le mettait pas au doigt car il avait toujours pensé que c'était mieux qu'il soit près de son coeur, bien que ce dernier soit mort. Et jamais, au grand jamais, l'idée de l'enlever ne lui avait effleuré l'esprit. Le fait que Becca ose ôter le sien et le jeter négligemment à terre venait littéralement de l'anéantir et l'amour avait fait place à la haine. Dans leur couple, le proverbe « De la haine à l'amour, il n'y a qu'un pas » était présent à chaque instant. Ils s'aimaient, se détestaient, se déchiraient, se retrouvaient mais Rebecca venait de remporter la manche en négligent ce symbole d'amour profond. Declan était furieux, la guerre était déclaré.

Furieuse, elle lui renvoya la balle comme à chaque fois l'accusant, lui mettant tout les torts sur le dos. La colère déformait le visage d'ordinaire aussi lisse que la pierre, le rendant dur, plus dur qu'il ne l'était déjà. La dispute avait pris une telle ampleur que le vampire n'aurait su dire quand cela avait commencé et surtout comment. Il ne savait même plus qui avait raison ou tort dans l'histoire, surement les deux comme toujours. Declan n'aspirait qu'à écouter le silence, que les cris cessent, et pourtant il savait que cela ne terminerait que quand l'un des deux céderait.

« première venue.. » marmonna t-il. « Si j'avais su, je n'aurais pas transformé une chieuse pareille » ajouta t-il en grognant, bien qu'au fond de lui, il ne regrettait nullement son geste. Il savait très bien que s'il l'avait laissé mourir, il se serait laissé mourir ou aurait supplié pour qu'on le tue. L'amour qu'il portait à Becca était bien plus fort que tout ce qu'il avait pu imaginer, bien que la haine soit son premier sentiment à cette instant. Il ne bougea pas et Becca se prit la peine de lui rappeller qu'il pouvait s'en aller.

« L'imbécile t'emmerde Rebecca » lâcha t-il en lui faisant face, l'appellant par son prénom complet, chose qu'il n'avait pas faite depuis des décennies, l'appellant Becca en toute circonstance. Ses yeux auraient pu lancer des éclairs qui auraient réduit en cendres la jeune femme s'ils avaient pu. Il serait parti dans la seconde si elle ne l'avait pas provoqué de la sorte. « ça tombe bien, moi non plus » marmonna t-il entre ses dents alors qu'elle émettait le souhait de ne plus le vouloir. Ces répliques n'étaient pas vraiment acides, la peine lui remontant dans la gorge comme la bile aurait pu le faire. Bien entendu, cette affirmation était totalement fausse. S'il y avait bien une chose que Declan ne supportait pas, c'était que sa femme ne soit pas là. Cette séparation lui coutait beaucoup, le rendant triste, mais il n'en laissait rien paraître. Seule la haine et la colère pouvait se lire sur son visage marqué par les évènements. « Ne m'appelles pas, se serait préfèrable » acheva t-il. Le fait que sa vampire de femme puisse l'appeller Chef le rendait incontrôlable, c'était une insulte pour lui quand cela venait de sa part. D'ailleurs il n'aimait pas vraiment ce qualificatif et préférait largement qu'on l'appelle Declan. L'affrontement que lui faisait Becca en l'appellant de la sorte lui fit un mal de chien et il préfèra s'éloigner sans un mot avant de se jeter sur elle, il avait besoin de se défouler et il vallait mieux que les humains soient rentrés chez eux à cette heure-ci car il n'était pas sur qu'ils ne terminent la nuit en un seul morceau.