Aveuglée par sa propre haine [PV Ellana]

Becca planta ses crocs dans la chair tendre du cou d'un humain, se délectant de la sensation délicieuse que lui offrait le sang de cet homme. Elle ne le connaissait pas et ne l'avait jamais croisé auparavant. Peut-être avait-il une femme et des enfants, mais ces menus détails n'avait même pas effleuré l'esprit de la vampire. À ses yeux, il était un bout de viande ambulant, un moyen de calmer sa soif et la rage qui s'insinuait en elle. En cette nuit d'hiver, elle ne tuait plus pour se nourrir, bien que ce fut son but premier au début de cette sombre soirée. Elle tuait désormais par pur plaisir, animée par un instinct sauvage qu'elle ne contrôlait pas. Combien de vie avait-elle volé depuis son départ de Gold Mansion quelques heures plus tôt ? Combien de corps avait-elle laissé sur son passage ? Becca ne les comptait plus. Elle était dans un tout autre état d'esprit qui l'empêchait de penser de façon rationnelle. Elle avait mal et c'est tout ce qui la préoccupait.

Lorsqu'elle en eut assez de cet homme, elle le laissa tout simplement s'effondrer dans la neige. La nuit était froide et le vent glacial, mais sa condition ne lui permettait pas de ressentir les affres de l'hiver. Le regard de Becca ne s'attarda pas plus longuement sur le corps de sa victime. Elle l'avait déjà oublié, ses pensées se dirigeant déjà vers sa prochaine proie. La jeune femme avait délaissé toute prudence, défié toutes les règles que Declan avait imposé au clan. La violence de la vampire atteignait des sommets et même la perspective de se voir confronter à la justice de son clan ne l'effrayait pas. Qu'avait-elle à perdre ? Elle n'avait absolument rien pour elle. Désespérée, étreinte par un mal qui la rongeait de l'intérieur, elle avançait dans la tempête, tuant tous ceux qui croisaient son chemin, prenant plaisir à prolonger leur supplice. Elle n'était plus elle-même. Ce soir, elle était bien loin de la femme que Declan avait aimé.

Tout était de sa faute. S'il n'avait pas ainsi brisé son coeur, peut-être aurait-elle épargné tous ces êtres qui tombaient comme des mouches sur son passage. Elle avait essayé de reprendre une existence normale, de vivre comme si elle ne l'avait jamais aimé, comme si elle n'avait jamais connu ses étreintes enflammées. Elle avait tenu des jours et des jours, jouant le jeu, ne lui accordant pas même un regard lorsqu'elle le voyait butiner à droite et à gauche pour la provoquer. Mais elle avait fini par craquer. Ses pas la conduisèrent sans qu'elle n'en prenne conscience jusqu'au garage d'Elmer Monroe. Même à cette heure avancée de la nuit, quelqu'un, par malheur, s'y trouvait encore. Un sourire mauvais se dessina sur ses lèvres, et avec la grâce qui caractérisait si bien les siens, elle ne tarda pas à l'immobiliser. Elle étouffa le cri du mécanicien, provoqué par la vision des yeux entièrement noirs de Becca. Ils n'étaient plus rouge, et encore moins bleus. À cet instant, la jeune femme n'avait plus rien d'humain. La terreur déformait le visage de sa future victime, et Rebecca en tirait un plaisir malsain. Elle voulait qu'il souffre comme elle souffrait elle.

« Laissez-moi, pitié... Prenez mon argent, mais ne me tuez pas... »
« J'en ai rien à foutre de ton fric mon mignon, tu vois, ce qui m'intéresse c'est ta jolie gorge et le sang chaud qui coule dans tes veines. »
« Monstre. »
« J'ai longtemps refusé qu'on me considère comme tel. Mais je crois que maintenant, oui, c'est ainsi que l'on peut m'appeler. »

Ne perdant pas une seule seconde de plus, elle le mordit et s'abreuva de son sang chaud, avant de le laisser retomber mollement au sol sans plus de préoccupation. La jeune femme s'apprêtait à prendre lâchement la fuite lorsqu'un bruit imperceptible pour une oreille humaine résonna dans les parages. Becca s'arrêta brusquement, prenant une position défensive. Le vent soulevait sa longue chevelure blonde et la lune éclairait son visage d'albâtre. Elle aurait pu être divinement belle à cet instant, mais la colère et la haine qui se lisait sur ses traits lui conféraient plutôt un aspect terrifiant et horrifiant. Elle écarta les bras, invitant ainsi son visiteur à venir la rejoindre.

« Allez montre-toi si tu as un tant soit peu de courage ! Je n'ai pas peur, viens, je t'attends, mais je te préviens, c'est à tes risques et périls. »

Becca laissa choir par terre le corps inerte du garagiste sans une once de remords. Un de plus, un de moins, quelle différence après tout. Plus rien n'avait d'importance à ses yeux. Elle menait une existence éparse, tuant par plaisir. Même cette guerre entre clans ne l’affectait plus le moins du monde. Elle n’avait plus personne à défendre, alors à quoi bon se battre ? Doucement, elle déposa sa jolie tête blonde sur le mur contre lequel elle s’était appuyée quelques secondes plus tôt. La jeune femme n’avait appris à s’ouvrir aux autres ; elle préférait les gestes aux mots, la démonstration au sentimentalisme. Tuer pour le plaisir, tuer pour faire souffrir. C’est ainsi qu’elle avait choisi d’exprimer la profonde détresse qui l’animait. Mais même le meurtre ne l’apaisait plus. La vue du sang, la vue de ce qu’elle était en train de devenir la dégoûtait tout simplement. Becca avait mal et comme un petit animal blessé, elle ne savait plus vers qui se tourner et tentait tant bien que mal de survivre dans cette jungle.

Lorsqu’elle s’était disputée avec Declan, elle s’était crue suffisamment forte pour réussir à tourner la page. Au début, elle s’était contentée de renier ces cent cinquante dernières années de bonheur qu’elle avait partagées à ses côtés. Elle avait fait abstraction de tout ce qui le liait à lui, allant même jusqu’à l’ignorer royalement lorsqu’elle le croisait dans un couloir. Bientôt, cependant, la douleur revint à la charge. Il prenait un malin plaisir à butiner à gauche et à droite, replongeant dans ses anciens travers et provoquant presque instantanément la jalousie de Rebecca. Le conflit durait depuis des semaines. Quelques jours plus tôt, elle avait craqué. Seule dans la forêt, elle avait laissé un long cri s’échapper de ses lèvres. Et elle s’était mise en chasse. Depuis, elle ne s’arrêtait que lorsque le soleil l’obligeait à se retirer dans les montages. Elle n’avait pas donné signe de vie à son clan et elle s’en moquait. Elle avait choisi la facilité et avait fui.

Perdue dans ses pensées, elle ne se préoccupait de ce qui l’entourait. En réalité, depuis quelques temps, aveuglée par sa haine, elle ne prenait plus la peine de brouiller ses pistes. Elle n’écoutait plus ses sens et se contentait de se jeter dans la mêlée sans se préoccuper des risques qu’elle prenait. Pourtant, elle devina immédiatement que le craquement qui retentit près d’elle était volontaire. Quelqu’un la suivait et cherchait à le lui faire savoir. Becca, fidèle à elle-même, se montra sèche, directe et impertinente. Elle n’éprouvait pas la moindre appréhension. Après tout, de quoi peut avoir peur un vampire qui se fiche de vivre ou mourir et qui, par-dessus le marché, se retrouve seule au monde ? Répondant à l’invitation que la vampire avait lancé, une jeune femme s’avança dans la pénombre. Le sourire mauvais qui flottait sur son visage se transforma dès lors en rictus haineux. Ellana Van Dyke, tout sourire, se planta devant elle. Rebecca croisa les bras sur sa poitrine, tentant par la même occasion de réprimer une sérieuse envie de la défier.

D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle avait toujours détesté Ellana. Jalouse de nature, elle ne supportait pas de la savoir si près de Declan. Son aînée s’était considérablement effacée du portrait depuis leur mariage, mais malgré cette absence, son mari, ou plutôt ex-mari, lui vouait toujours une confiance presque aveugle. Elle n’aimait pas non plus l’attitude de la demoiselle, qu’elle jugeait suffisante et ô combien agaçante.

« Et si tu commençais plutôt par te mêler de tes affaires ? Je ne vois pas pourquoi tu devrais intervenir dans mes disputes conjugales. Tu es peut-être l’aînée mais ça ne te donne aucun droit sur moi. Maintenant, dis-moi ce que tu veux et fiche le camp, je n’ai pas de temps à perdre avec toi. »

Becca se montra tout à fait insupportable. Elle n’éprouvait pas de respect pour Ellana et ne s’embarrassait guère de cordialités à n’en plus finir. Généralement, elle faisait l’effort de se montrer un tant soit peu aimable. Mais pas ce soir. Elle était dans un état terrible. Car si en apparence, elle semblait parfaitement en contrôle d’elle-même, c’était loin d’être le cas. Elle ne savait plus ce qu’elle faisait, bien qu’elle tentât de toutes forces de se convaincre du contraire. Fine observatrice de nature, elle remarqua rapidement qu’Ellana lorgnait sur sa victime et lança une pique verbale.

« Tu as soif peut-être ? Tu es devenue trop bête pour chasser par toi-même ? Mais je t’en prie, vas-y, régale toi. J’ai eu ma dose pour ce soir… et pour les deux prochaines semaines je dirais. »

Elle avait mal, si mal. Cette douleur se propageait dans tout son être. Elle ne supportait plus cette souffrance lancinante qui détruisait ses dernières forces et chassait de son esprit toute trace de lucidité. Elle était imprudente, impertinente, voire même un tantinet suicidaire. Après tout, n’était-ce pas complètement dingue de tuer au hasard pour le plaisir de voir le sang couler, et ce, sans jamais chercher à dissimuler ses traces ? Si Declan l’avait aperçu dans un état aussi désolant, nul doute qu’il se serait moqué de ce qu’elle était devenue. Son regard se fixa sur la silhouette d’Ellana qui avançait pas à pas vers elle. Pendant un instant, un infime instant, on put apercevoir une lueur de regret dans ses yeux noirs de jais. Une lueur fugace qui semblait exprimer toute la détresse ressentie par la jolie blonde. On lui avait souvent raconté que sans leur partenaire de vie, certains vampires se laissent peu à peu sombrer dans la folie. Elle n’avait jamais voulu les croire. Elle s’était toujours bornée à affirmer qu’elle était libre et qu’aucune chaîne ne pourrait jamais la retenir. Et pourtant, aujourd’hui, elle mesurait toute l’étendue de ce qu’elle avait perdue en se montrant si arrogante.

Ses traits se durcirent en la voyant se planter devant elle, un air nonchalant peint sur son visage d’une perfection caractéristique à la race des vampires. Si elle avait espéré que son apparition inattendue aurait pour effet de calmer la rage brûlante qui animait la jeune femme, elle avait tort. La demoiselle éprouva un regain de haine. En elle, Becca n’avait jamais rien vu d’autre qu’une rivale. Une menace. Ellana et Declan avaient été amants et même si tout le clan considérait cette histoire comme faisant partie du passé, la blondinette, elle, n’avait pas oublié. D’ailleurs, elle avait daigné réagir une seule fois quant au butinage de Declan ; lorsqu’il avait tenté de s’infiltrer dans la chambre de l’aînée. Elle n’avait pas supporté. Il y avait toujours cette crainte, au fond de son cœur, qu’elle n’avait jamais appris à faire taire. Cette peur incontrôlable qu’il se tanne d’elle et retourne à ses anciens travers. La jeune femme chassa rapidement cette idée de ses pensées. Elle voulait le chasser de son esprit, de son cœur, et l’oublier. Même si, quelque part, elle s’en savait parfaitement incapable.

Doucement, elle repoussa une mèche de cheveux. Elle était belle, malgré l’aura de peur et de menace qui l’entourait. Elle toisait toujours Ellana d’un regard haineux et malveillant, cherchant à la provoquer par ses répliques amères et gratuites. Le calme qu’affichait la Black Blood l’horripilait et la déstabilisait. Son aînée ne semblait pas le moins du monde affectée par sa méchanceté. Elle n’aimait pas la voir aussi parfaitement détendue, alors qu’elle-même se tenait raide et prête à attaquer n’importe quand. Rebecca répondait d’ailleurs à ses tentatives d’humour par des piques acerbes qui n’eurent toutefois pas l’effet escompté.

« Je n’avais aucunement besoin que tu me couvres, comme je n’ai pas besoin que tu me dises comment agir. Je suis suffisamment grande pour répondre de mes actes devant le clan, et tu vois, je me fous bien de ce qui adviendra de moi. Cette famille dont tu parles n’est plus la mienne. J’y suis désormais rattachée uniquement pour des raisons pratiques. »

Becca continua de fixer Ellana sans ciller. Quelque part en elle, une petite voix hurlait qu’elle était sur le point de faire la pire bêtise de sa vie, qu’il valait mieux se taire et demander pardon, ou au mieux fuir pour s’expliquer plus tard. Mais la jeune femme ne se préoccupait plus de réfléchir avant d’ouvrir la bouche. Elle crachait son venin sans craindre les conséquences qui risquaient d’en découler. Declan loin d’elle, elle était perdue. Il était celui qui avait fait d’elle une Black Blood, qui l’avait intégré et protégé pendant ses premières années d’existence vampirique. Rebecca n’avait jamais cherché à nier la vérité ; si elle avait passé toutes ces années au sein du clan, c’était d’abord et avant tout par amour pour son chef. La demoiselle s’apprêtait à se détourner de sa « chère » amie, mais une réplique de cette dernière l’en dissuada. Touchée et blessée par ses paroles, elle laissa échapper de ses lèvres délicates un hurlement avant de plaquer Ellana contre le mur de la station service. Sans réfléchir, elle lui colla une droite bien sentie qui l’apaisa quelque peu, ou du moins, suffisamment pour qu’elle arrive à lui adresser la parole sans trembler.

« Je t’interdis de parler de lui à nouveau, tu m’entends ? C’est fini entre nous deux et je n’ai pas besoin qu’on me rappelle une fois de plus les erreurs du passé. »

Becca était assise sur un rocher, à l’écart du reste du clan. Elle observait, sans dire un mot. La jeune femme avait rapidement démontré un tempérament solitaire et ses compagnons respectaient son désir de se retrouver en paix avec elle-même. La soirée était fraiche, un vent d’automne soufflait dans la plaine. Becca regrettait de ne pouvoir sentir les caresses de la brise sur sa peau. Perdue dans ses pensées, elle n’avait pas remarqué qu’une silhouette se glissait vers elle à pas de loup. Cependant, si ses yeux n’eurent pas tôt fait de l’avertir de sa présence, son odeur, si caractéristique, ne tarda pas à envahir les lieux. Elle aimait ce parfum qui lui rappelait l’essence des forêts et des vallées irlandaises. Doucement, pour ne pas la brusquer, il s’installa près d’elle. Pour seule réponse, la jeune femme lui sourit. Un sourire sans malice ; un sourire tendre et sincère ; un sourire qu’elle offrait uniquement à Declan. Le jeune homme lui présenta sa main, pour l’inviter à y déposer la sienne. Elle hésita, longuement, avant de pointer du menton une autre silhouette. Ellana.

« Et elle ? » demanda-t-elle finalement.
« … » Pas de réponse.
« Declan… je… »
« C’est de l’histoire ancienne, d’accord ? »

Becca observa son compagnon, indécise. Elle voulait tellement le croire. Avec une lenteur exagérée pour un membre de son espèce, elle glissa sa main dans la sienne et se blottit dans ses bras. Declan enfouit son visage dans ses longs cheveux blonds. Le couple demeura enlacé pendant de longues minutes. Ou étaient-ce des heures ? Elle n’aurait su le dire. Même s’il avait affirmé que cette idylle entre Ellana et lui était terminée, sa douce, elle, n’avait jamais pu chasser de son cœur la crainte de les voir renouer.


Non, elle n’avait pas oublié. Et ce soir, alors que toute rationalité avait déserté son esprit fragile et complètement déséquilibré, la douleur et le doute lui dictait ses agissements. Elle observait Ellana, qui tentait de la raisonner en lui rappelant qu’elle appartenait à une famille, qu’elle avait un secret à protéger. Becca l’écoutait d’une oreille distraite. Son aînée ne comprenait donc pas qu’elle perdait son temps à essayer de la ramener sur le droit chemin ? Elle était perdue. Elle l’avait été à l’instant même où Declan lui avait tourné le dos. La jeune femme n’était pas particulièrement fraternelle envers les membres de son clan. Elle éprouvait du respect pour la plupart d’entre eux et de l’amitié pour certains. Mais si elle les avait suivis de l’Irlande à Babylon, c’était uniquement parce que l’élu de son cœur en était le chef. Désormais, plus rien ne la rattachait aux Black Blood. Leur sort ne la concernait plus outre mesure.

« Il n’y a plus de nous qui tienne ! Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans ce que je me tue à te répéter ? Ce clan n’est plus le mien. Je n’ai plus rien à foutre à Dark Gold Mansion. »

Elle n’était pas aveugle au point de ne pas percevoir les dégâts qu’elle avait causés. Declan était d’humeur terrible. Le vieux manoir en avait d’ailleurs fait les frais. Sa présence n’était plus désirée, et en vampire expérimentée, elle le ressentait dans toutes les fibres de son être. Elle avait créé une tension palpable au sein du clan. Rebecca Rose Bowden ne faisait plus l’unanimité, même dans le cœur du chef. On posait des regards lourds de sous-entendus sur elle les quelques fois qu’elle osait mettre le pied dans la demeure commune. Ces dernières semaines, elle s’y rendait seulement par extrême nécessité. Au début, elle avait joué la carte de l’indifférence, ignorant totalement son ex-mari, alors que lui s’évertuait à charmer les demoiselles des alentours, le plus souvent sous les yeux de Becca. Mais lorsqu’il avait tenté d’entrer dans la chambre d’Ellana, elle avait eu trop mal pour ne pas exprimer sa douleur. Dès lors, elle avait cessé de jouer à ce petit jeu pour se mettre en chasse et oublier. Oublier qu’elle l’aimait toujours en dehors de tout ce qu’elle avait pu raconter sur tous les toits.

Une réplique de son aînée ramena à son bon souvenir ce triste épisode et Becca ne se fit pas prier pour lui coller une droite bien sentie du genre qui aurait probablement tuer un humain. Évidemment, Ellana appartenant à la race des vampires, cette attaque se révélait dérisoire et pas du tout souffrante. Néanmoins, la voir reculer d’un pas réjouit grandement la blondinette. L’aînée profita d’ailleurs de ce léger manque d’attention pour se retourner contre son adversaire et la plaquer au mur sauvagement. Rebecca se retrouva rapidement plaquer contre le mur du garage, furieuse de s’être laissée avoir aussi facilement. Elle n’aurait pas dû la sous-estimer. C’était une erreur fréquente que commettait les débutants ; pas une combattante expérimentée comme elle. Entraînée par Declan lui-même, elle était pratiquement imbattable au corps à corps. Mais son attention se voyait nettement détourner par la situation particulière dans laquelle elle s’était emmêlée les pinceaux.

Elle ne répondit pas aux questions d’Ellana et se contenta de poser un regard empli de haine sur elle. Ses interrogations la blessaient d’autant plus qu’elle ciblait les véritables motivations de Becca. Pourquoi agissait-elle ainsi ? Au fond d’elle-même, peut-être ces actes désespérés représentaient-ils une dernière tentative d’attirer l’attention de Declan sur elle. Si elle se montrait un tant soit peu honnête, elle avouerait qu’elle ne supportait plus ce qui se passait entre eux, que le voir passer le pas de la porte de la chambre d’Ellana avait été la goutte qui avait fait déborder le vase. Elle voulait qu’il revienne. Mais ça, plutôt mourir que de l’avouer à cette idiote. Becca se débarrassa plutôt de la pression gênante qu’elle exerçait sur son corps en frappant sa tête contre la sienne puis en lui décochant un coup de pied dans les côtes.

« Maintenant, c’est beaucoup mieux. Et pour répondre à ta question, j’ai réagi exagérément par rapport à Declan et toi. Si tu le veux, je t’en prie, ne te gêne pas, il a repris ses mauvaises habitudes et accueillent à nouveau n’importe qui dans son lit, tu ne devrais pas avoir trop de mal à t’y glisser. »

[...]

Perdre Declan. Une réalité qu’il lui aurait paru inadmissible, impossible et absurde, quelques mois plus tôt. Pourtant, aujourd’hui, elle ressentait comme la caresse d’un poignard s’enfonçant impunément dans son cœur chaque fois qu’elle l’apercevait loin d’elle, regrettant amèrement ce qu’ils représentaient l’un pour l’autre autrefois. Était-ce donc le prix qu’elle devait payer pour cette immortalité et cette invincibilité ? Était-ce un sacrifice qu’elle devait à une quelconque force supérieure qui, offusquée de la voir ainsi s’élever contre les lois de la nature, transformait l’éternité en véritable cauchemar ? Becca ne pouvait s’empêcher de considérer cette hypothèse ; peut-être le chef du clan ne lui avait-il jamais été destiné ; peut-être était-ce une erreur de l’avoir arraché à la mort. Elle observait Ellana, et discernait son reflet dans ses yeux. Et ce qu’elle voyait la dégoûtait.

Qu’était-elle devenue ? Où était passée la Rebecca fière, indépendante et malicieuse qu’il avait tant aimé par le passé ? Morte au sommet de cette montagne où, en délaissant son alliance, elle avait délaissé une part d’elle-même. Elle avait voulu jouer et par malheur, elle avait tout perdu. Elle n’avait plus rien, ni famille, ni amour, ni rien de ce qui pourrait se rapprocher d’un ami sincère, Declan ayant, jusqu’à ce jour, rempli chacun de ses rôles. L’aînée tentait de la ramener sur le droit chemin, de lui faire comprendre la bêtise derrière les actes irréfléchis qu’elle commettait. Mais elle n’avait pas la moindre envie de rentrer sagement à la maison et de se repentir pour la simple et bonne raison qu’agir ainsi ne calmerait pas la rage qui l’animait, ni la douleur qui s’insinuait dangereusement en elle. Becca se trouvait dans un état que même Declan aurait eu du mal à contrôler.

« Oh mais je t’en prie, ne te retiens pas. Compte tenu du fait que je ne suis plus sous la protection du chef je crois que cette promesse ne tient plus la route. Allez, vas-y, amuse-toi. Je n’attends que ça, une adversaire à ma taille. »

Becca sourit, dévoilant ses crocs encore légèrement ensanglantées. Ce qu’elle proposait à Ellana était carrément suicidaire. Elle avait beau être une combattante agile et chevronnée, elle n’avait aucune chance contre son aînée. Mais n’était-ce pas exactement ce qu’elle cherchait ? Une petite bataille dans laquelle elle risquait de perdre la vie ? Elle avait bien sûr une certaine rancune vis-à-vis de la blonde, mais que ce fut elle ou un autre - qu’importait l’allégeance à un clan – Becca se serait probablement conduite de la sorte. Elle désirait tester ses limites et les dépasser si possible. Elle n’était pas dans un état d’esprit très sain ; tout ce à quoi elle aspirait se résumait sans doute à cette incontrôlable envie de faire taire la douleur, d’y mettre fin, définitivement. Ellana ne semblait toutefois pas décidé à lui faciliter la tâche. Elle lui tenait tête avec ce sang-froid qui lui était propre. Soudainement, Becca eut l’impression qu’il aurait été préférable qu’elle tombe sur un vampire dénué de scrupules qui n’aurait pas hésité à la massacrer.

Elle tenta par tous les moyens de la mettre en rogne. Mais elle demeurait de glace devant ses tentatives. Becca, en désespoir de cause, lui décocha un crochet qu’elle évita sans mal. Puis, les mots de la jeune femme résonnèrent et pendant un instant, la vampire hésita. Il y avait une lueur de sincérité dans ses mots. Elle voyait dans ses yeux rouges, signe qu’elle était assoiffée, aucune trace de doute ni de mensonge. Rebecca était tentée de la croire. Tentée de croire qu’il l’aimait toujours et qu’il était prêt à lui pardonner. Les gestes de la demoiselle se firent moins précis, plus maladroits. Elle ne savait plus trop quoi penser, et tout ce sang qu’elle avait bu ces derniers jours lui montait un peu à la tête. Elle nageait toujours dans l’incompréhension, et la présence d’Ellana ne pouvait qu’aggraver les choses.

« Tu as tort. Et j’aurais tort de me laisser empoisonner par tes mots. Il n’y a plus rien à espérer de Declan. Je suis allée trop loin. » finit-elle par dire, la gorge serrée.

Becca se détourna d’Ellana et s’élança, plus vite que le vent, plus vite que la lumière. Elle courut et laissa résonner au passage une phrase à l’intention de la blonde.

« Ne refais pas les mêmes erreurs que moi. Ne laisse pas l’orgueil, la fierté ou l’attachement à ton clan entraver ton histoire. Ne me cherche plus. J’arrêterai les massacres. Vous n’entendrez plus parler de moi. »

|| Désolée pour le retard On peut clôturer le topic ? Parce que j'arrive pas à gérer deux topics à la fois... J'espère que ça te va ||