Lily Rose Hall - And then, the past disappears..

Humaine, Lily Rose avait imaginé bon nombre de fins. Elle aurait voulu mourir paisiblement, s’endormir un matin au lever du soleil, et ne plus jamais se réveiller. La mort est paisible, simple. Tout est toujours plus simple de cette manière. Mais, la vie en a décidé autrement pour elle, et elle s’est alors retrouvée confrontée face à la réalité. Elle ne mourrait pas. Comment quelqu’un avait-il prendre une telle décision à sa place ? Loin d’être une fin enviable, elle aurait préféré périr. La douleur du poison s’infiltrant dans ses veines était atroce, mais pas plus que sa propre vie. Elle souffrait, pour une nouvelle fois. Alors comment cette douleur pouvait-elle devenir omniprésente maintenant.



Tout a commencé en 1900, avec la naissance de Lily Rose ; qui n’a pas été des plus simples qu’il soit. L’accouchement fut très long. Comme si, avant même qu’elle ne soit née, Lily Rose avait déjà pressentie que la vie qui l’attendait en dehors était dangereuse et hostile. Pour ses parents, sa naissance a été perçue comme un cadeau du ciel, rien ne pouvait leur arriver de mieux, qui aurait pu croire qu’ils donneraient naissance en réalité à un monstre qui n’ n’éprouverait aucune pitié en tuant de « sang froid » ses victimes. Mais il paraissait impossible de se sentir coupable de quelque chose auquel vous êtes totalement étranger, elle n’aurait jamais imaginé devenir la victime d’un monstre ce soir là.
Son enfance a été des plus normales : des parents aimants et protecteurs qui ont toujours répondus aux moindres de ses caprices. Sa mère lui a enseigné l’art de la musique, tandis que son père lui, lui enseignait la littérature. Elle a toujours eu des facilités qui lui ont permis d’approfondir ses savoirs, la soif d’apprendre sans cesse de nouvelles choses ayant été sa motivation principale.

La suite, elle, est plus tragique.
Tout allait pour le mieux, jusqu’au jour où sa vie bascula à une vitesse fulgurante dans le désespoir et la tristesse, choses dont Lily Rose ignorait encore le sens.
Sa mère mourut le 3 septembre 1912. Un matin elle descendit dans la salle à manger et découvrit son père, à table, le regard plein de rage et de désespoir. Elle s’approcha et posa délicatement sa main sur son épaule, lui demandant ce qui n’allait pas, car elle le voyait bien : quelque chose n’allait pas. Son père sembla l’ignorer, et ne dit un mot pendant plusieurs heures. Lily remonta alors l’escalier, se dirigea dans la chambre de ses parents, à la recherche de sa mère. Mais, le lit était vide. Elle sortit alors en vitesse, et appela sa mère pendant plusieurs minutes. Aucune réponse.
Elle redescendit donc, et vis son père qui était désormais debout, face à elle.
Il posa son regard désespéré sur le visage angélique de sa fille, et lui dit ses simples mots « Ta mère ne reviendra pas. ».
Les jours passèrent, et sa mère n’était toujours pas là. Elle comprit bien plus tard la raison de son absence. Elle était morte. Laissant derrière elle une famille à présent brisée. Rien ne pourrait jamais combler le manque d’un être cher. Rien.
Son père mourra quelques années plus tard lui aussi, probablement de chagrin. C’est ce qu’on avait laissé entendre, mais Lily Rose savait bien au fond d’elle-même que son père s’était donné la mort, ne pouvant supporter l’absence de son épouse. D’une certaine façon, il ne lui restait plus personne à présent. L’image même de la famille unie qu’elle s’était faite depuis des années avait disparu. L’illusion même du bonheur s’étant estompée avec le temps. Son père lui avait d’ailleurs laissé une lettre, qu’elle n’ouvra qu’à l’âge de 18 ans, lorsqu’elle quitta son oncle qui avait sur elle droit de tutelle. Il lui raconta la véritable raison de la disparition de sa mère, en effet, quelques mois avant son décès, elle était tombée gravement malade, mais ne voulant pas inquiéter sa fille, ses parents le lui avaient dissimulé tant bien que mal. Lily connaissait à présent les dégâts que peuvent causer les mensonges, les humains sont poussés par des sentiments tellement étranges qu’il est difficile de les comprendre. Elle avait vécu cela comme une trahison. Comme si toutes les bases mêmes de la confiance qu’elle avait pu fonder sur les personnes qu’elles aimaient le plus au monde c’était soudainement effondré, laissant place à la noirceur de chacun, montrant leur égoïsme le plus profond. Elle éprouvait maintenant une rancœur envers les êtres qui lui avaient donné la vie, elle aurait préféré connaître la vérité qui lui aurait permis de se relever plus facilement. Chaque pas qu’elle faisait semblait être un recul de plus vers son passé. Ses souvenirs ne s’estomperaient jamais.
Elle devrait vivre avec et se montrer forte face aux autres alors qu’en réalité, elle ne souhaitait qu’une chose : mourir.
Peu après son départ, et la lecture de cette lettre, Lily voyagea. Fuyant toujours plus son passé, fuyant toujours plus la vie en elle-même.
Sa dernière excursion se termina à Londres. Elle fut alors surprise de se diriger vers un endroit qu’elle n’a pas habitude de fréquenter, un bar. Elle avait marché pendant des heures, sans même savoir où elle allait réellement, les rues étaient sombres et elle fut machinalement attiré par la lumière qui en sortait.



Elle s’installa au comptoir, regarda autour d’elle, et commanda une bouteille de St Emilion dont les subtiles notes de framboise éveillaient ses sens. Après plusieurs verres, elle se surprit à raconter des moments douloureux de son passé, avec une certaine dérision, comme si plus rien n’avait d’importance. Elle se donnait presque en spectacle. Les personnes autour d’elle semblaient complètement ahuris d’entendre un flot de paroles continus si moroses et pessimistes de la part d’un être aussi jeune.
Elle fut surprise de voir un homme dont la rare élégance laissait présager que ce genre de lieu lui était d’ordinaire étranger, s’assoir à côté d’elle et la dévisager pendant plusieurs minutes. Au moment où elle s’interrompit enfin, il s’adressa à elle en utilisant un vocabulaire semblant provenir d’une autre époque tout comme son style vestimentaire, donnant l’impression de voir un personnage tout droit sorti du Portrait de Dorian Gray.
Il prit un certain plaisir à continuer de débattre sur les côtés néfastes de la vie, sans s’être présenté dans les règles, elle semblait enfin avoir trouvé quelqu’un qui la comprenait ; mais dont elle ignorait même le prénom.
Cela dura encore plusieurs heures, puis Lily Rose quitta l’endroit, complètement ivre.
En partant, cet homme lui adressa un sourire étrangement captivant. Elle le fixa pendant plusieurs secondes, et le temps d’un battement de cils, il n’était plus là.
Elle marcha quelques minutes, à la recherche d’un endroit où passer la nuit, et se sentit soudainement suivie. La jeune femme se retourna, et ne vit personne.
Elle accéléra alors sa marche, tête baissée, et en la relevant, elle le vit.
Ce qui était assez étrange était la façon dont il avait réussi à arriver si vite…
Mais l’alcool avait maintenant trop d’emprise sur son esprit pour qu’elle n’y réfléchisse plus de quelques secondes, la seule chose qui la frappait encore était l’intensité de son regard si attirant et étrange à la fois. En le regardant, elle oubliait un instant le monde autour d’elle, elle ne pouvait détacher son regard du sien. Plus rien n’avait alors de sens, la seule chose qu’elle voulait c’est qu’il ne cesse jamais de la regarder ainsi, car elle se sentait enfin appréciée de nouveau. Ce sentiment l’avait habité il y a si longtemps maintenant qu’il lui fut presque indescriptible quand il se fit sentir une nouvelle fois.
Il se rapprocha de plus en plus d’elle. Ses lèvres se rapprochant dangereusement des siennes.
« - A qui ai-je l’honneur ? dit-il dans un murmure à peine audible.
- Lily Rose.
- Que pensez-vous de l’éternité, Lily Rose ?
- …
- Vous ne souhaitez pas vivre une minute de plus dans ce bas monde n’est-ce pas ?
Elle acquiesça, ne comprenant pas la gravité actuelle de la situation.
- Personne ne le souhaite. Et puis, vous êtes bien trop belle pour mourir maintenant.»

Il se rapprocha, lui caressa la joue. Elle posa sa main sur les siennes qui étaient probablement les plus froides qu’elle n’ait jamais touchée.
Il la regarda une nouvelle fois, plus intensément qu’avant, et à peine eut-elle le temps de dire un mot, qu'il planta ses canines dans sa peau à une vitesse et avec une puissance fulgurante. Cela parut durer des heures. La douleur du poison s’infiltrant dans ses veines était atroce, mais pas plus que sa propre vie.
Elle comprit soudain la monstruosité de cet être qui lui avait paru pourtant si captivant.
Jamais une seule douleur physique ne lui avait fait aussi mal.
Son sang remontait dans ses tempes, la seule idée de réfléchir sur ce qui était en train de se dérouler lui était trop dur. Tous ses sens étaient désormais engourdis.

Son sang assouvissait tous ses besoins, qu’importe si cette humaine si fragile souffrait à présent, il n’en aurait plus pour très longtemps. Son désir s’était fait ressentir dès l’instant où il avait croisé ce regard juvénile. Elle était devenue la nouvelle proie à son jeu machiavélique et personne n’aurait pu lui en faire perdre le contrôle. Il était le maître de son art après tout. Permettre à cette humaine de vivre pour l’éternité alors qu’elle en aurait souhaité tout le contraire la rendait encore plus vulnérable à ses yeux. Son tortionnaire n’éprouvait aucune pitié, la seule chose ayant de l’importance était son contentement personnel.
Sa tête la brûlait à mesure que les secondes passaient. Allongée sur le sol, elle pouvait lire dans les yeux de cet être une telle rage, qu’elle ressentit l’espace d’une seconde une once de pitié.